Les voies du seigneur…

L’entreprise Succubus vient de publier un manifeste en faveur du jeu sérieux, en fait une plaquette de quelques pages avec des arguments assez classiques sur les intérêts pédagogiques de ce support (Café Pédagogique du 21 janvier 2011). Rien que du très classique dans la famille des argumentaires commerciaux : après tout, cette plaquette cherche à convaincre des entreprises, pas vraiment des pédagogues qui pourront rester sceptiques sur la légèreté des modèles d’apprentissage proposés… Au passage, on notera l’emploi du terme « ludisme » qui renvoie à la composante ludique du jeu (par rapport à son apport en contenu).

Mais la surprise vient de la mention d’un jeu surprenant (c’est le moins qu’on puisse dire…) dans la plaquette, à côté des classiques « Forestia » ou « Electro City » : Operation Pedopriest. Vous êtes chargé par le Vatican d’étouffer les scandales de pédophilie causés par les membres du clergé, que l’on voit carrément dans le jeu passer à l’acte sur les enfants  ! Vous perdez si la presse relaie ces informations et si trop de prêtres sont arrêtés… Pour l’éviter, vous pouvez faire exfiltrer les prêtres coupables par hélico…

Quand on va voir les autres jeux de la firme qui produit Pedopriest, Molle Industrie, on n’est guère étonné : Oligarchy sur les magouilles diplomatico-pétrolières, Mac Donald’s videogame sur les « dirty secrets » de l’entreprise, orgasm simulator… Bref, du « jeu sérieux » très engagé et sûrement très pédagogique (c’est de l’ironie, je dis ça à l’intention des mal-comprenants). On a bien compris que le but de l’entreprise est de convaincre que le jeu vidéo peut aussi servir des causes politiques, qu’elles soient engagées, critiques, radicales… grâce au second (troisième etc.) degré, merci.

Mais quelles que soient nos (et vos) convictions, il  paraît quand même surprenant de mettre tous ces jeux sur le même plan. Et ce serait bien que le Café Pédagogique lise et explore un peu ce que l’industrie du jeu vidéo lui soumet avant de le publier ! Car désormais, la plaquette commerciale qui fait l’apologie de Pedopriest est liée au dossier sur « enseigner avec les jeux« . On souhaiterait que le Café Pédagogique soit aussi réactif et critique sur le lobbying des industries culturelles qu’il est sur la dernière des mesurettes gouvernementales.

Non, décidément, ça, ce n’est pas sérieux…

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