L’autoroute ou les grenouilles ? Un jeu interdisciplinaire pour l’E.D.D.

Depuis le temps qu’on en parlait avec mon copain Eric, on a fini par s’y mettre. Lui en SVT et moi en Histoire-géo et éducation civique, on voulait faire un jeu interdisciplinaire permettant aux joueurs de comprendre les implications des grands aménagements humains sur l’environnement, les paysages et les sociétés humaines en général.
Lors des dernières vacances de noël (eh oui ! il y a des enseignants qui bossent pendant les vacances !), il n’a pas fallu trop longtemps pour mettre au point ce jeu qui était en gestation depuis longtemps (la réalisation matérielle en revanche a demandé quelques heures de découpage et de collage en plus …)
Le cahier des charges était le suivant :

  • le jeu devait être utilisable de manière complémentaire en SVT et en géographie et éducation civique (plutôt niveau 6ème)
  • Il devait s’agit d’un jeu de société pour favoriser les discussions d’aménagement.
  • Il devait être jouable en une heure au maximum
  • Il devait enfin être suffisamment simple pour être compris facilement par tous les élèves.
  • Et enfin (et surtout) il devait amener les élèves à comprendre la complexité des enjeux mis en oeuvre dans les grands choix d’aménagement et la difficulté d’opérer des arbitrages entre – d’une part – la nécessité de préserver un certains nombre d’éléments de notre environnement naturel et humain et – d’autre part – la nécessité non moins grande pour les hommes de créer des aménagements qui leur permette d’améliorer leur quotidien.
  • Nous avons choisi le modèle du jeu de plateau par équipe tant il nous semblait évident que le plus riche dans ce jeu à venir résidait dans les conversations que nous entendions susciter entre les élèves à propos des actions à accomplir.
    Il fallait (et c’est un ressort fréquemment utilisé dans les jeux comme dans toute bonne tragédie grecque) que les élèves soient pris dans un réseau de nécessités contradictoires : si je fais ça je risque de détruire un élément important de la nature ou du patrimoine et donc de perdre le jeu, mais si je ne le fais pas je risque de ne pas finir mon autoroute et donc de perdre le jeu !

    Forts de ces principes, nous avons opté pour un type de jeu bien connu : le jeu de tuiles à découvrir.
    Les élèves ont un objectif : construire une autoroute vers le Mont Saint Michel, le plus rapidement possible et à moindre coût, bien sûr. Les deux équipes partent chacune d’un des coins du plateau et doivent parcourir un terrain occupé par des hexagones qui correspondent aux zones de construction des élements d’autoroute. A son tour de jeu, l’équipe peut poser un tronçon d’autoroute sauf … Sauf qu’il faut d’abord déterminer par quoi cet hexagone est occupé. On tire alors dans un sac, à l’aveugle, une tuile qui indique le contenu de l’hexagone. Celui ci peut :

  • Etre libre et donc constructible
  • Etre occupé par une espèce animale ou végétale à protéger
  • Etre inconstructible pour des raisons naturelles (failles, marnières)
  • Etre occupé par un village, un site remarquable ou des vestiges archéologiques.
  • Dans le premier cas, le terrain est libre et l’équipe peut alors poser un tronçon d’autoroute pour un prix de base fixé à l’avance (outre les problèmes d’environnement, les équipes ont aussi un budget à gérer qu’elles ne doivent pas dépasser).
    Dans tous les autres cas, il y a un problème : les tuiles proposent, outre la nature de l’obstacle, une courte explication technique sur ce même obstacle : qu’est ce que la pélodyte ponctuée, la fougère d’eau à quatre feuilles ou encore pourquoi faut il organiser des fouilles de sauvetage lorsque l’on découvre des vestiges archéologiques sur le chantier d’un aménagement humain ?
    Les joueurs ont alors le choix : soit ils contournent l’obstacle ce qui rallonge leur autoroute et augmente le coût, soit ils financent des mesures de protection de l’espèce qu’ils menacent, soit encore – mais c’est très mal – ils choisissent de détruire l’espèce ou le site qui les gênent et construisent leur autoroute sans se poser plus de questions. le coût financier est minime, mais le coût environnemental est élevé : les joueurs perdent alors une partie du capital environnement dont ils disposent au départ. Lorsqu’il ne reste plus rien ils ont perdu la partie.
    A l’arrivée, trois paramètres permettent de désigner le vainqueur :

  • la construction est terminée
  • le coût est resté dans le budget prévu
  • le coût environnemental est le plus faible possible.
  • Ainsi une équipe ayant terminé avant l’autre pourra tout de même perdre la partie si elle a ravagé l’espace qu’elle a « aménagé ».
    Testé avec de petits groupes d’élèves ce jeu est intéressant à bien des égards. Facile à comprendre et rapide à joueur il trouve facilement sa place en classe ou dans des structures spécifiques tels les clubs développements durable qui existent dans certains établissements.
    Son intérêt principal est à mon avis l’interdisciplinarité et la vision élargie qu’il impose aux élèves-joueurs : les problèmes ne sont pas parcellisés comme le laisse parfois penser le fonctionnement disciplinaire à l’école : ils sont globaux et appellent des choix et des réponses globales.
    Ajoutons pour terminer que l’exploitation pédagogique et l’adaptation au contexte local sont des plus aisées : rares en effet sont les régions où ce type de questions ne sont pas posées dans la presse locale à l’occasion de la construction d’une grande surface, d’une route ou d’un pont.

    Pour clore sur ce chapitre, j’ajoute qu’EricTrotin, co-concepteur de ce jeu pour la partie SVT, en a réalisé une version informatique. Chapeau l’artiste !Elle est jouable sur le site SVT de l’académie de Caen

    Infos pratique : la règle complète et la description des pièces est disponible sur le site du réseau Ludus qui reste notre ludothèque principale.

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