Apologue des deux nigauds ou dénonciation du discours convenu sur l’éducation

L’actualité de l’éducation nous invite ici à reprendre un texte écrit avec André de Peretti, dans « Contes et fables pour l’enseignant moderne », éd. Hachette, 2006, voir http://francois.muller.free.fr/contes/index.htm

Apologue des deux nigauds[1] Ou la dénonciation du discours convenu sur l’éducation

 

Au fait, on peut douter que l’audace non plus que le bon sens soient les choses du monde les mieux partagées : du moins sur la sphère austère de l’éducation et de l’enseignement. Il semble que nos contemporains sont effectivement injustes ou incorrigibles et contradictoires ou instables (à l’égal de leurs prédécesseurs ?) en ce qui concerne leurs humeurs et leurs gloses, quand elles touchent à leur progéniture. Oserais-je dire « mémoire courte » ?…

 

L’idéalisation ou l’amplification de leurs souvenirs d’enfance et de jeunesse sont si naturelles à des adultes (a-t-on vu un seul polytechnicien réputé entré autrement que premier dans son école ? et quels parents s’avèrent sincères sur leur véritable assiduité scolaire ?) qu’elles les portent à un imbroglio de considérations faussées ou de médiocres mythologies. En dehors de quelques moments rares d’émotion lucide où ils se redressent pour découvrir le sérieux intransigeant de leurs jeunes, ils se placent alors avec persévérance sous les fourches caudines de deux nigauds éternels, avatars du grand Protée[2] (ou de Mani, dit Manès, ou redit Manichaeus).

 

Un doyen de droit aux prises avec les deux nigauds

Nous avons entendu la harangue de ceux-ci jadis, par la prévenance d’un éminent doyen du droit (et qui fut au Conseil constitutionnel). Ce dernier rapportait leurs propos en la sorte : l’un des nigauds, arguant de n’importe quoi, tiendrait que tout est toujours nouveau quand l’autre soutient qu’il n’en est rien de rien, car tout serait substantiellement sans différence et pareil au pareil. Ou encore celui-ci prétendrait que tout peut être rigoureusement tenu pour identique, quand son compère et associé s’insurge contre les hétérogénéités et assure qu’il n’y aurait rien de commun entre rien et rien ; dans le rapport au passé, au présent comme à l’avenir.

Mais aussi le « un », à d’autres fois, affirme qu’il n’y aurait rien de correct ni de tolérable et que tout est en déclin, quand l’autre objecte que tout serait bon (quoique perverti par des « dégâts » mais qu’il ne faudrait surtout ne toucher à rien .

 

Ces « je ne sais quoi » de tout et de rien s’appliquent assurément aux choses de l’éducation et de l’instruction. Chacun d’entre nous a vite fait d’entendre dire que l’école est complètement changée, qu’on ne se retrouve en aucune manière dans les façons d’enseigner ou les contenus, qu’on ne comprend absolument plus les jeunes et qu’on ne sait plus à quel saint et prophète ou dieu lare s’adresser ou se vouer en matière d’éducation. Mais on peut entendre en même temps clamer que l’école n’évolue pas, que les enseignements stagnent (et qui ne progresse régresse), que les cours sont rabâchés, qu’aucun effort d’adaptation ne fut réalisé, que les modes pédagogiques retardent, que les « manifs » sont toujours les mêmes et qu’il n’y a décidément rien de changé.

 

On perçoit aussi bien le cliquetis des indignations (vertueuses ?) relatives au « niveau » qui ne serait plus ce qu’il était, aux tailles des classes qui seraient devenues excessives, à l’hétérogénéité des groupes d’élèves qui aurait crû dans des proportions intolérables (nous en reparlerons). Mais nous n’avons pas besoin d’avoir l’oreille fine pour recueillir également des verdicts sommaires sur des catégories d’enseignants, qui seraient tous indignes, à moins que ce ne soit sur une jeunesse qui ne sait plus rien ou ne vaut plus rien (et pourtant, veut tout !), ou bien il est question que cette jeunesse admirable soit indignement maltraitée par un corps enseignant inattentif et bureaucratisé, quand tous opinent (du bonnet ?) sur le scandale des professeurs généreux qui seraient molestés sans trêve par des jouvenceaux insolents.

 

Nous le savons, on vante les examens de jadis ; on se demande où sont les écoles et les maîtres d’antan ; on a nostalgie de la belle époque où régnait une haute dame Éducation, Alma Mater[3] du temps passé : on réclame des surveillants pour des enfants et des adolescents à propos desquels on exige des égards et des gants. Mais constatons qu’on se mobilise contre les innovations, rénovations, réformes ; car, si on veut que tout soit autre, il apparaît qu’on désire avec véhémence que rien ne change et surtout ne soit varié. Il est aussi banal pour les mêmes gens de se rebiffer parce que l’école ne se moderniserait pas et ne comprendrait pas les jeunes ou ne ferait aucun effort en leur faveur que de s’affecter des modifications et différenciations projetées dans les processus d’enseignement ou dans l’organisation et la vie des établissements. De quoi perdre la tête (et son « latin ») en tendant le cou sous les fourches caudines. ! Tout se passerait comme au jeu : « rien ne va plus ! ».

 

Le mythe identitaire[4]

Nous ne désirons, quant à nous, aucunement partager la mode de la roulette pour nous débattre des gains ou des pertes advenus ou en attente dans le petit monde de l’éducation. Et nous ne nous sentons pas d’humeur à courber la tête, tel de fiers Sicambres, sous des fourches de tout ou rien (ce rien qui est encore comme un tout, de même que ce tout revient souvent à rien !). Car, il nous semble que dire que les choses (en ce qui tient aux rapports des adultes avec enfants ou adolescents et de ceux-ci au savoir de ceux-là) ne sont plus comme avant du tout, ou, à l’opposé, que rien n’a bougé, part d’un même risque de duperie qui vient de comparer ce qui n’est pas comparable ou d’omettre par totalitarisme niais les variations qui ont affecté les références qu’on est porté à supposer invariantes.

 

Nous ne nous décidons donc pas à confondre les diverses réalités de l’enfance et de l’éducation non plus qu’à les distinguer ou à les disjoindre radicalement : mais cherchons à mesurer (et, par suite, à étendre) leurs variétés mais aussi leurs similitudes (autant qu’elles persistent). Rebellons-nous continûment contre ce qu’il est convenu d’appeler comme on verra ci-après le « mythe identitaire » : qui vient de référer chaque individu (ou n’importe quelle disposition éducative ou programme didactique) à une référence étalon, qui serait absolue et n’aurait oncques bougé.

 

Car on voit que nous oublions vite qu’il y a aussi une dérive des continents sur la sphère qui nous intéresse et où se développement l’enfant et l’enfance ainsi que l’adolescence, sous nos méridiens et nos latitudes d’inclinations et de contraintes. Et il faut se faire un premier devoir de remettre en positions historique et planétaire les références que nous voudrions croire constantes, selon notre manie hexagonale et jacobine.

 

Car sur notre sphère (« armillaire[5] » ?), les rapports et les distances ont largement fluctué, suivant les lieux ou les climats ou dans la suite des temps. Il faut nous faire la violence de percevoir ces variations, puisque nous sommes avec inconséquence (malgré le ton de frivolité qui nous est reconnu hors de nos frontières) si peu enclins à consentir à la variété : et c’est là où le bât blesse dans nos systèmes d’éducation et d’enseignement.

Si l’enfance est en effet de toujours, quoi qu’aient pu ergoter certains, le traitement qui lui est socialement appliqué a pu sensiblement varier. Selon les latitudes ou suivant les temps (même ceux que nous vivons), l’attention portée ou accordée à l’enfant, dans ses comportements et son statut, a été ou est susceptible de modifications profondes, que celui-ci soit encore petit ou qu’il soit devenu adolescent. Anthropologues et historiens peuvent nous aider à en faire l’esquisse d’une démonstration et nous préserver d’entrer dans le jeu des deux nigauds.[6]

A ce propos, nous pouvons nous interroger sur la nostalgie qu’expriment les adultes vis-à-vis de leur enfance. Ils idéalisent leur temps d’école, dans une posture de retour en arrière, et pour le coup, sont tentés soit de refuser tout changement sur les dispositions scolaires qui ont été les leurs, soit de profiter de cette idéalisation pour trouver exécrables les conditions actuelles imposées à l’enseignement et à l’éducation. Sur cette nostalgie, peuvent se retrouver parents et enseignants, même si d’autre part la tendance à leur opposition se manifeste simultanément. Des esprits réputés les plus stricts peuvent y succomber.

 

Et en maths ?…

A ce propos, Roland Goigoux peut nous interpeller[7] :

Preuve est faite désormais : l’excellence en mathématiques n’est en rien un gage de rigueur intellectuelle.

Sept éminents mathématiciens, membres de l’Académie des Sciences, dont trois médaillés Fields, le « Nobel » des mathématiques (cf. Le Monde du 9 février). dans un récent cahier de la Fondation pour l’innovation politique, un club de réflexion de l’UMP, s’efforcent de faire une démonstration sur l’apprentissage de la lecture. (…) Bien qu’ils n’aient « aucune compétence particulière dans ce domaine », ils n’hésitent pas à se faire « l’écho de nombreux témoignages » pour alerter la nation toute entière. Guidés par la nostalgie des méthodes syllabiques de leur enfance, ils dénoncent la nocivité de toutes les autres pratiques d’enseignement de la lecture, bien qu’ils soient incapables de les décrire ou de les définir. S’ils ne conduisent pas d’enquêtes chiffrées et s’avouent incapables de « procéder à une analyse globale du système éducatif français », les sept compères ne rechignent pas à « discuter avec des professeurs » voire à recueillir « des témoignages de parents qui n’ont plus confiance en l’école publique » pour « constater autour d’eux » que leurs idées sont partagées par leurs amis et leurs familles. En bons mathématiciens, ils se défient des « statistiques brutes » produites par les services ministériels ou les chercheurs en éducation : ces statistiques n’ont que « très peu de valeur, sinon aucune » précisent-ils, surtout lorsqu’elles conduisent à des conclusions divergentes des leurs. »

 

L’ambivalence parentale ?

On peut essayer d’expliquer un pareil déni d’objectivité. Ainsi, une analyse psychologique des attitudes parentales profondes incline à faire l’hypothèse d’un complexe d’ambivalence des parents à l’égard de l’école. D’un côté, les parents confient leurs enfants et donc toutes leurs espérances à l’école, d’un autre côté, ils redoutent l’influence exercée par les enseignants et qui pourrait attirer vers eux l’affectivité enfantine, en sorte de déposséder les parents de l’admiration et de l’affection de leurs enfants. De toutes façons, il est sûr au plan psychologique que les enfants risquent d’être pris dans un conflit de loyauté à l’égard de leurs géniteurs ou de leurs enseignants : surtout si les valeurs familiales peuvent être relativement différentes des valeurs témoignées personnellement par des enseignants.

 

Les causes d’incertitudes et de conflits des parents à l’égard de l’Ecole et par suite des réactions défensives des enseignants sont de toutes façons multiples. Elles participent aussi à une crainte du « nouveau », à un misonéisme : les parents comme les enseignants ne doivent-ils pas voir devant eux les enfants, les élèves se transformer, n’être plus ceux auxquels on était habitués et devenir autres jusqu’à certaines provocations ? Et s’il faut rajouter aux changements des êtres enfantins, le changement des conditions sociales et des civilisations, et par suite des repères pour visionner l’avenir, il va de soi que les individus ont tendance à se crisper et à s’accrocher à ce qu’ils croient avoir retenu de solide de leur passé. Notamment les formes scolaires les plus simples. Toucher à ces formes du passé, facilement mémorisables, gage de réussite ou d’échecs cuisants, revient à les bousculer.

 

De la sorte, les deux nigauds….

Mais comme d’habitude l’esprit de contradiction peut entraîner à basculer d’un passé maintenu coûte que coûte à un avenir qui en serait radicalement autre. Le radicalisme permet de conjuguer les deux nigauds et de se draper dans une toge prétexte qui peut attirer l’attention des médias. Ces deux travers mettent en difficulté d’établir quelque changement que ce soit, a fortiori de procéder au réajustement et réforme indispensables, en raison des changements technologiques, scientifiques et culturels qui modèlent notre nouveau siècle.

 

Les affirmations péremptoires procèdent aussi d’un refus de s’informer par rapport aux innovations, aux pratiques plus quotidiennes, contre lesquelles on se gendarme ou qu’on souhaiterait infiniment plus radicales. A défaut de réelle objectivité, les gens renforcent leurs affirmations et leurs clameurs pour mieux couvrir leur ignorance réelle des changements qu’ils condamnent.

En contrepartie, il faut reconnaître que les tenants responsables de l’école dans ce qu’elle est et dans ce qu’elle devient, se mettant en défensive, ne prennent guère le soin d’informer : le système scolaire parait en conséquence facilement obscur et moins cohérent. On peut comprendre le trouble des parents à l’égard du jeu des options, des classes de réussite, des facteurs non dits de progression plus rapide, des sous-entendus de l’évaluation, des incertitudes de l’orientation. Le monde extérieur peut se sentir en déficit d’initiation par rapport à un système qui s’enferme dans le mystère d’un sérail.

La société était autrefois plus indifférente à l’égard de l’école car l’entrée dans la vie active des enfants en dépendait moins. Au début des années 80, 200 à 300 000 jeunes en sortaient sans aucun titre, mais ils trouvaient à s’employer, dans une société qui n’était qu’au début de sa complexification.

 

Ce qui peut nous consoler, pour finir ou après tout, du conflit où nous sommes placés entre les deux nigauds, c’est que l’attention accrue, même critique, portée au système scolaire manifeste une reconnaissance et un intérêt accrus. L’Ecole est définitivement de plus en plus au centre de la vie sociale, au cœur même de sa régulation. Et ce n’est pas pour rien que désormais l’Ecole ne se situe pas entre 2 et 22 ans, mais bien au-delà des 7 à 77 ans de Tintin !

Il reste à la responsabilité de chacun de savoir duquel des deux nigauds il se rapproche, à moins qu’il ne préfère osciller entre leurs positions.

 

Il peut y avoir enfin certains griefs qui peuvent donner malgré tout quelques arguments aux deux nigauds : dans la mesure où les formes d’enseignement et les enseignants n’ont pas pris suffisamment attention de satisfaire ou de répondre aux attentes de certains élèves. On peut concevoir que ceux-ci soient portés à des refus extrêmes. L’Ecole ne peut pourtant pas cesser d’évoluer en accroissant les chances d’intéresser un nombre de plus en plus grand d’enfants et de jeunes.

 

Autrement, l’Ecole serait-elle « nigaude » ?

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[1] Titre inspiré du conte de la comtesse de Ségur. Publié en 1862, Les Deux Nigauds est dédié à Armand Fresneau, fils d’Henriette de Ségur et d’Armand Fresneau. La Comtesse de Ségur y déploie son antipathie pour Paris et les pensionnats. Elle nous décrit avec finesse la société qui l’entoure, la campagne, la ville l’aristocratie et la petite bourgeoisie. Il s’agit de l’histoire de deux enfants,  » les deux nigauds  » qui portent déjà des noms qui prêtent à rire : Innocent et Simplicie. Ils habitent la campagne bretonne et veulent tous deux aller à Paris. Innocent veut aller en pension, surtout pour porter un uniforme, et Simplicie veut enfin connaître Paris.

[2] dieu marin, fils de Poséidon ou de l’Océan et de Téthys, avait la garde des troupeaux de son père. Il savait l’avenir, mais ne le révélait que par force et prenait toutes sortes de formes pour échapper à ceux qui le pressaient de questions (Géorg., liv. IV). On a vu dans cette fable l’image de la nature, à laquelle il faut faire violence pour lui arracher ses secrets.

[3] En lat. almus, a, um, veut dire «nourricier, qui fait vivre». On disait «alma Ceres», Cérès, nourrice des humains. Pour les Romains, la mater était la terre nourricière. De nos jours, «alma mater» désigne parfois l’institution où on a reçu son éducation, spécialement l’Université.

[4] Sur le mythe identitaire, voir plus particulièrement, André de Peretti, Pour l’honneur de l’Ecole, chapitre 10, p .103 sq, éd. Hachette, Paris, 2000

[5] Les sphères armillaires aidaient à la compréhension et à l’explication du système solaire. Elles sont attestées depuis le IIIe siècle avant J.-C. Illustrant le système de Ptolémée, elles placent la terre au centre de la sphère. À partir du début du XVIIIe siècle, sont construites également des sphères selon le système de Copernic, plaçant le soleil en position centrale.
Cette sphère est destinée à expliquer le mécanisme des éclipses. Elle est constituée de quatre grands anneaux qui entourent la terre. Trois sont mobiles : ceux de la Lune, du Soleil et du Zodiaque. Ils sont actionnés par un mouvement d’horlogerie placé au-dessus de l’appareil.

[6] André de Peretti, Pour une école plurielle, éd. Hachette, 1987, p.13-17

 

[7] Extrait d’un éditorial paru sur le Café pédagogique, mars 2005, http://www.cafepedagogique.net/dossiers/contribs/goigoux.php . En complément, voir la page personnelle de R. Goigoux et ses travaux : http://www.auvergne.iufm.fr/ER/rgoigoux/rgoigoux.htm

Réussir ses premiers cours ? Conseils et ressources

A l’instar du livre récent de Jean-Michel Zakhartchouk, Réussir ses premiers cours, , éd. ESF, et en hommage aux travaux toujours importants et souvent fondateurs de sa réflexion comme de celle des Cahiers pédagogiques,  mais aussi dans le cycle des Lettres à, écrite par (ou avec)  d’André de Peretti,

–         Lettre aux enseignants débutants, 2004

–         Lettres aux accompagnateurs d’enseignants, 2006

–         Quelques conseils pour la prise de fonction (sur le site Diversifier)

un groupe de formateurs du 1er degré  à Paris,  (directeur d’école, conseiller pédagogique, maitre formateur) pour clore son cycle de travail, consacré à l’accompagnement des enseignants débutants, s’est livré à un atelier d’écriture  pour « réussir ses premiers cours » .

L’exercice s’est fait en deux volées de propositions ; des conseils en positif et des préventions en négatif, un peu comme un balisage de route avec ses panneaux de signalisation (bleu et rouge).

Chaque volée de propositions a pu faire l’objet d’une première analyse en trois catégories :

– ce qui ressort de la préparation des « cours

– ce qui ressort de la conduite de classe

– ce qui ressort du développement professionnel

Quelques conseils, précautions, questions accompagnantes pour la prise de métier :

La préparation (ingénierie)

–         « Préparer la classe » (fiches de préparation sur une semaine)

–         Pour cela, sois bien au clair avec les programmes, ton niveau de classe, la sécurité des élèves (c’est-à-dire les exigences institutionnelles)

La conduite de classe (« tenue de classe »), gestes professionnels)

–         Traiter avec équité les élèves

–         Réguler les conflits entre élèves sans laisser les choses trainer

–         Penser avec pertinence le travail à la maison et le reprendre en classe

–         Veiller au climat de classe (place de la parole, réglè de vie, relations, organisation spatiale), ce qui construit le cadre

–         Regarde les élèves travailler

–         Organise le cadre et tiens le

–         Enrole tes élèves

Dynamique, processus de développement professionnel

–         Considérer les élèves dans une dynamique de progrès

–         Venir à l’école avec plaisir

–         Identifie tes points forts pour éventuellement les réinvestir

–         Identifie les relais et les ressources dans la proximité

–         Reconnais tes besoins et tes attentes

–         Donne-toi des priorités et travaille par étapes dans ton propre développement professionnel,  escompter sur le temps long pour entrer dans le métier. Faire le deuil de la maitrise totale de tout tout de suite.

–         Apprends des autres

–         Pense à toi pour être mieux avec les autres

Surtout, ne pas faire :

Préparation

–         Surpréparer pour ne plus laisser vivre ni respirer le groupe

Conduite de classe et vie de l’école

–         Négliger les demandes de l’enfant, celui qui est derrière l’élève.

–         Punir sans avoir réfléchi au rôle de la sanction

–         Faire preuve d’incohérence dans les exigences

–         Considérer les parents comme des ennemis

–         Fais attention à la relation que tu entretiens à tes élèves, ne sois pas le parent de tes élèves

–         Fais attention à l’autoritarisme,  ou encore des formes qui peuvent humilier ou casser[1]

–         Fais attention à ne pas confisquer la parole

–         Se laisser prendre à réagir tout le temps

Développement professionnel

–         Penser que tu travailles seul.

–         ne pas s’enfermer dans ton propre silence et à masquer ses propres doutes

–         ne pas oublier toi-même le propre cadre de l’école, ou même celui que tu t’es donné.

–         S’isoler

–         Veille à ne pas être contaminer par une certaine morosité ou complainte par ailleurs[2]

Trois  conclusions

1- « réussir ses cours », finalement, devient une sorte de nord dans une boussole professionnelle. Elle se recentre sur la présence réelle et explicite de l’enseignant dans la classe :  elle évoque l’approche  centrée sur la Personne développée par  Carl ROGERS[3], fondée sur les trois principes suivants : l’Educabilité pour tous[4], l’Empathie, la Congruence.

2- Cependant, une classe réussie n’est pas forcément la même chose que « réussir ses cours ». Nous pourrions aisément ici reprendre les conclusions et  référence de la thèse «  l’ennui à l’école »,   de Stéphanie LELOUP, présentée sur le site Jacques NIMIER ;  il apparaît qu’élèves et enseignants peuvent distinguer ce qui fait un bon cours, mais… les items sont symétriquement inverses ; l’enseignant peut avoir le sentiment de réussir son cours, mais les élèves le percevront très différemment. A redécouvrir.

3- En approfondissant l’analyse destinée aux enseignants débutants, ce sont aussi des messages importants et parfois subtiles à l’attention de tout enseignant, « même T25 », dirait humoristiquement notre amie et collègue Gisèle qui nous a accueilli pendant ces deux années dans sa classe et dans une superbe nouvelle école, rue Gerty Archimède, Paris 12ème arr.

Ainsi, travailler la question de l’accueil des enseignants débutants, de leur prise de métier, de leur formation directe et « expérientielle », c’est souvent bien autre chose que nous travaillons ; c’est bien l’analyse du métier, dans ses tensions, dans ses évolutions, mais aussi celle de la place de la formation et de la solidarité professionnelle dans tout école ou établissement.


[1] A noter  comme ressource : les petites cartes du site CHARIVARI, qui permettent de signaler à l’élève de manière personnelle, sans rendre cela visible à l’ensemble de la classe ; la loi est respectée)

[2] cf. la planche sur les 30 raisons pour enterrer un projet)

[3] Sur Carl Rogers, reprendre « Présence de Carl Rogers », d’André de Peretti

[4] On peut penser à nos amis belges de la communauté francophone qui prêtent en début de carrière le « serment de Socrate ».

Créativité et urgence à l’Ecole

L’actualité du MONDE de l’Education du 15 sept. 2009 nous interpelle en une urgence à développer une école innovante

« L‘imagination est plus importante que le savoir. » Exposée sans plus de développement, ni de ménagement, la citation fait grincer bien des dents. Replacée dans la bouche d’Albert Einstein, son auteur, elle prend une toute autre dimension, laissant pressentir l’impact de la créativité sur l’utilisation même des connaissances.

Dans l’opinion commune française, la créativité reste traditionnellement prisonnière du domaine artistique. Etre créatif, c’est un peu être artiste. Point final, bien souvent, tant on oublie volontiers que les plus grands créatifs, ceux qui ont su faire les alliances les plus novatrices sont bien souvent les scientifiques ! »

Creativity ?

Et d’invoquer plus loin le concept de « creativity » rendu trés imparfaitement en français, car la connotation est tantôt plate, tantôt dévalorisée par quelque esprit trop… philosophe.

« Or la créativité, c’est cette capacité à inventer d’autres chemins. A sortir de nos schémas traditionnels, pour relever des défis nouveaux. C’est un processus mental qui implique la génération de nouvelles idées ou concepts, ou de nouvelles associations entre des idées et des concepts préexistants, mais qui a priori se mariaient mal.

C’est ce qui permet de développer cette pensée complexe que défend le sociologue Edgar Morin. Cette manière libre d’envisager les connaissances en gommant les coupures traditionnelles entre les disciplines académiques, afin de comprendre le monde complexe qui nous entoure. Un monde fait d’enchevêtrements et d’entrelacements, qui ne résiste pas à la séparation disciplinaire. »

Cela m’a ramené quelques années en arrière, quand, aprés que le mot fut entré dans le dictionnaire, enfin en France naissait l’association française de créativité, en 2004 (!), s’appuyant sur un réseau mondial déjà touffu, je partis à la recherche de cette approche, inconnnue dans le monde de l’Education.

Nous nous découvrâmes mutuellement, en identifiant des concepts communs, des approches semblables, des méthodes similaires; mais, tout se nommait différemment; et chez « nous », point de créativité; au plus proche, nous évoquions l’ingénierie pédagogique, et la diversification pédagogique, mais aussi, jeu de rôle. etc…

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Je vous invite à ce propos à écouter les propos d’André de Peretti échangés récemment sur la créativité

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Nous nous amusâmes de découvrir de concert qu’ à des besoins concrets d’organisation des groupes, d’animation de la réflexion, mais dans des univers culturels et professionnels radicalement séparés manifestement, nous puissions enfin faire une jonction, et nationale, et inter-professionnelle.

Accompagnement du changement

Les choses ont évolué, beaucoup plus vite, à présent; nous acceptons les comparaisons internationales;  nous découvrons, même dans notre propre « monde » scolaire,  le syndrome finlandais avant la grippe mexicaine; et cette invitation à la créativité nous renvoie à ce que Gaston Bachelard nous laissait comme message il y a longtemps déjà, lui scientifique, qui invitait au rêve pour que la réalité advienne.

L’innovation, c’est d’abord une question d’approche, une façon de déformer les images (Bachelard) et des pratiques qui en découlent. Avant tout autre effet de structure et d‘expérimentation article 34, qui n’est pas la cause, mais bien la conséquence. Philippe Perrenoud  raisonnait juste quand il évoquait des changements du 3ème type ?

Ce sont ces convergences qui expliquent notre orientation assumée vers la formation en amont des équipes et de leurs cadres,  vers l’accompagnement du changement, et avant tout des représentations comme des organisations, et partant, des identités professionnelles. C’est peut-être plus long, mais ce sera plus durable.

A compléter avec l’indispensable site de Jacques NIMIER, dont son dossier d’octobre 2009 sur la créativité à l’école
– La créativité à l’école: comment l’introduire?
– L’heuristique mathématique: le travail créateur
– Les objets, les espaces et les temps intermédiaires. Au pays du mi-
dire et de l’entre-deux en formation et en pédagogie par Marie-
Françoise Bonicel
– Des exercices de créativité.

http://www.PedagoPsy.eu

Voir aussi:

Chat L’école étouffe-t-elle la créativité ?

Lectures de vacances, mais aussi préparation pour la rentrée

Temps de l’otium, période d’approfondissement personnel et professionnel, ces semaines d’été, où que vous soyez, sont des moments privilégiés pour se ressourcer et (re)trouver le sens de l’activité parfois éclatée, ou malmenée, ou encore saturée.
C’est pourquoi il nous a semblé opportun de proposer en ligne quelques lectures, si ce n’est quelques chapitres, qui puissent vous faire vous reposer les questions fondamentales qui agitent notre métier et notre système d’éducation.

Quatre ouvrages sont mis ainsi à votre disposition:
– l’un est consacré au métier, dans toutes ses dimensions, en trentes compétences à affermir, selon les contextes
– un autre à l’approche métaphorique et imagée, trés puissante pour nos groupes de jeunes ou de moins jeunes
– encore un autre sur les possibles dans l’éducation, dans nos situations d’enseignements, dans nos organisations
– enfin, André de Peretti nous permet d’accéder à une dimension historique de notre éducation, tout à fait éclairante pour comprendre les questions du niveau, de l’évaluation, de l’organisation de l’enseignement. C’est là une exclusivité que je vous réserve dans ses prochaines semaines:

Est-ce bien « le temps » en éducation ?

Cette fin d’année, c’est l’opportunité, voire la nécessité, de s’intéresser à la définition des nouveaux emplois du temps de la rentrée: obligations de services, respect des horaires de formation pour les élèves, contraintes des lieux et des groupements. Pourtant, si chacun s’accorde à reconnaitre ces diverses points, il est toujours trés étonnant de constater la toute autant grande diversité dans les réponses des dispositifs élaborés, établissement par établissement. C’est donc qu’il y a une marge de manoeuvre certaine dans la confetcion des emplois du temps; et que manifestement, selon les cas, le « Nord » qui a servi de répère n’a pas toujours été le même. Tout le monde le sait, personne n’en parle.
Une information à la fois historique et d’une furieuse actualité ! Le « droit à l’expérimentation » inscrit dans l’article 34 de la Loi pour l’orientation de l’Ecole de 2005, et l’incitation forte désormais à « travailler autrement », faite par l’Institution elle-même, tant par la DGESCO, l’IGEN et les recteurs d’académie mettent les équipes de direction et d’enseignement devant des choix pédagogiques.

Non plus de simples projets, qui tout pédagogiques, restent intéressants en eux-mêmes, mais ils présentent la caractéristique de saturer le temps des acteurs et les organisations qui ne bougent pas pour autant. Pour peu, ils servent de caution pour un certain immobilisme des pratiques collectives. Mais des projets avec des « objets », comme dit Guy Berger, qui permettent à des équipes de faire évoluer tout ou partie de l’organisation du travail en établissement ; travailler sur le « temps mobile », des plages plus longues, des variétés de groupements accentuent les performances d’un établissement.

La forme du temps scolaire emporte le fond des pratiques enseignantes ! Par un paradoxe intéressant, une heure de cours, c’est trop long et pas assez: trop long pour un enseignement frontal, répété six fois dans la journée; trop court pour y installer une variété requise de formes de travail. Ainsi, en décompressant le cours sur une plage plus longue, on rend possible des phases d’enseignement, d’acquisition, d’appropriation individuelle et collective, de recherche et d’évaluation. Tout cela n’est pas nouveau en soi. Mais notre grande maison du Savoir semble être frappée d’amnésie professionnelle et de non-reconnaissance de l’expérience, ce qui dans d’autres milieux passerait pour une faute grave.

A l’occasion des travaux de mémoire, engagés avec André de Peretti, j’ai pu retrouvé une « pépite » en une VIDEO produite en 1987 par l’INRP et Aniko HUSTI, autrice du Temps mobile, en 1985. On y découvre des récits d’expériences réussies de temps mobile, de temps variables, à rythme parfois individuels, en Alsace, à Chalon, et… à Paris (Collège Braque, Lycée Bergson), des interventions d’enseignants, d’élèves, de parents. Les chefs d’établissement eux-mêmes, tableaux à l’appui, montrent la relative facilité de quelques dispositifs. Suivis d’entretiens avec Aniko Husti, Guy Berger et André de Peretti.

Vous pouvez visionner tout cela facilement sur l’internet (version rapide en flash) à partir de page http://francois.muller.free.fr/diversifier/index.htm ou plus directement sur http://francois.muller.free.fr/diversifier/TEMPS.htm

POUR ALLER PLUS LOIN

QUelques éléments d’analyse et d’actualisation des travaux de HUSTI en ligne à partir cette page

(extraits d’une publication « 1001 propositions pédagogiques », André de Peretti et François Muller, ESF, oct. 2008)

Sommes-nous victimes du « sortilège de Bunuel » ? autour de l’expérimentation au lycée

Ou la petite métaphore de l’auto-enfermement qui nous menace, pas seulement au cinéma

La lecture de quelques blogs consacrés actuellement aux débats sur l’expérimentation au lycée, sur les « pièges », sur les intentions voilées du ministre, sur les impossibilités ou autres obstacles, me pousse à reprendre la métaphore que nous avions déroulée avec André de Peretti, intitulée « sortilège de Bunuel ».

 

Est-il possible d’ouvrir des portes ouvertes ? Rien n’est moins sûr !… C’est question de conviction. Et c’est à examiner notre rapport aux « portes » que nous entraîne un film de Luis Bunuel[1], L’Ange exterminateur, dont voici d’abord le script.

Nobile, riche aristocrate de Mexico, invite ses amis à dîner dans sa luxueuse maison de la rue de la Providence. Quelques faits bizarres se produisent : des domestiques partent sans expliquer leur comportement, le groupe connaît une impression de déjà vécu, Ana retire de son sac deux pattes de poulet alors que Blanca joue au piano une sonate de Paradisi. Et voici qu’une étrange absence de volonté empêche les invités de franchir les limites du grand salon. Sentant venir la fatigue, les invités campent sur place.

A l’aube le sortilège continue, il est impossible de sortir du salon. Le vernis des conventions disparaît, les belles manières font place à l’égoïsme le plus brutal. Un cadavre est caché dans un placard, deux amoureux se suicident, on perce les canalisations pour boire.

Le sortilège cesse après que l’un des invités ait eu l’idée de replacer chacun dans sa position initiale, au moment de la sonate de Paradisi, Les naufragés de la rue de la Providence sortent… Tout le monde se retrouve dans la cathédrale pour un Te Deum de remerciement. C’est là que le sortilège recommence alors que des émeutes éclatent dans les rues.

Nous pensons de ce film de Bunuel, l’Ange exterminateur , que tout enseignant, tout éducateur, devrait l’avoir vu parce qu’il est significatif des risques de paralysie et d’auto-fermeture que l’on peut avoir dans la vie sociale, et que l’on peut déjouer.

L’histoire, on la rappelle rapidement, réunit une soixantaine de personnes que, après avoir vu un opéra, viennent souper dans une magnifique maison à Mexico. Là, brusquement, le personnel de maison sent qu’il faut qu’il s’en aille, car les gens veulent rester entre eux ; alors, commence une série de dialogues, avec ce que nous savons s’exprimer, selon Bunuel, du « charme discret de la bourgeoisie ». Mais cela pourrait être aussi le fait d’intellectuels parisiens notamment ou de profs qui savent pratiquer des échanges de petites méchancetés, de manière à ne pas paraître être ce que l’on est en faisant croire qu’on est autre chose que ce que l’on est…

Tout cela s’exprime drolatiquement, inconsidérément, avec le génie de Bunuel. Brusquement, une personne se met à chanter et une fois qu’elle a chanté, il se passe que nous proposons d’appeler « l’effet-Bunuel » : chaque personne convainc chaque autre personne que les portes de la maison sont fermées, que l’on est allé vérifier, et que ce n’est donc plus la peine d’aller voir ce qu’il en est. Il s’ensuit une complicité d’auto-enfermement : on ne peut rien faire, on n’a rien à faire, il n’y a pas de pouvoir ni de décision. Il y a donc une démission consentie.

Après cela, bien entendu, il se passe sur l’écran beaucoup de choses, les gens se font encore des confidences plus ou moins vraies, ils amènent des relations inattendues. Puis on voit que passent, est-ce vrai ou est-ce un fantasme ou les deux à la fois, des bras coupés. Bien sûr, les gens se sont symboliquement mais pratiquement coupés les bras, les gens se sont ligotés. Et il y avait un cadavre !

A un moment donné, moment extérieur d’espérance, au-dehors, un gamin d’une douzaine d’année, qui tient un ballon, va aller ouvrir la porte réputée close. Tout le monde regarde. Il y a avec les badauds le commissaire de police, le préfet, tout le monde, toutes les autorités sont là, parce tous s’étaient dit consensuellement que si les gens à l’intérieur ne peuvent pas sortir, c’est qu’on ne peut pas entrer, ‘est qu’on ne peut pas aller à leur secours.

Mais au moment où le gamin va ouvrir la porte (qui est effectivement ouverte), par manque de chance, un coup de vent vient et le ballon s’en va. L’enfant candide court après le ballon. Résultat : il n’ouvre pas la porte. Alors les choses continuent dans leur fermeture, jusqu’au moment où, pour finir, à l’intérieur, chacun ayant repris sa place initiale, la dame qui avait chanté dit : « mais enfin, après que j’ai chanté, on a dit que les portes étaient closes, et si on allait voir. Allons voir ». Ils vont voir et effectivement les portes sont ouvertes. Mais le doute recommence ensuite sans tarder, dans une église où ils viennent chanter un Te Deum pour célébrer leur libération : celle d’une nécessaire fermeture, d’une conviction à l’auto-enfermement. Quand les trois prêtres vont vers la sacristie, ils se retournent et s’aperçoivent que les gens à nouveau se mettent devant la porte et n’osent plus sortir. L’initiative reste interdite, taboue.

A l’envers de ces paralysies contagieuses et complices ou « magiques », il faut affirmer que, quelles que soient les circonstances et les menaces, dans la vie, notamment professionnelle, au-delà des portes fermées, il est opportun de savoir travailler en équipe, en réseau et en échanges réciproques, d’une façon rusée, grâce à laquelle la dissymétrie des différences entre les individus est compensée par la réciprocité de leur estime, de leur mutuelle affection et de leurs rapports de coopération consentie, étayant les initiatives de chacun, indispensable à tous.

Contre l’enfermement

Ce conte de Bunuel peut nous inviter, tout compte fait, enseignants, à ne pas nous co-enfermer, ou nous auto-enfermer, derrière une conception lourde autant que figée des programmes considérés comme constructions fermées et enfermantes : au lieu d’ouvrir des portes et de circuler souplement dans les pièces de ces programmes, en effectuant des choix libres qui nous sont reconnus statutairement, comme possibilités ouvertes à notre responsabilité professionnelle.

Cette liberté responsable vaut pour nos pratiques pédagogiques ou didactiques, organisationnelles ou évaluatives. Aussi bien, l’alerte de l’effet-Bunuel peut nous inciter à ne pas nous laisser bloquer dans une conception linéaire, restreinte, sans variété ni surprise, de notre activité d’enseignement : dans sa fonction organisatrice des relations entre les élèves, comme dans l’ajustement des emplois du temps, trop souvent émiettés en une kyrielle d’heures disjointes selon des disciplines distinctes, séparées, et sans synthèse interdisciplinaire. Rappelons que des recherches menées par l’INRP ont montré que des séquences d’enseignement de trois heures à la suite dans une même discipline se révèlent d’une efficacité très supérieure à l’enseignement dispensé en trois heures séparées, à tous les âges et pour toute les disciplines.

Il devient aussi urgent d’innover originalement : nous ne sommes pas condamnés, par mythe identitaire et « bunuellisme » à répéter des routines réductrices : ce qui serait « dérogeant » à l’éthique, à la noblesse de la pédagogie, en ce qu’elle est bien l’art de la fraîcheur et du renouvellement, de l’originalité créative et des stratégies inventives.

Dans l’enseignement, ce qui enferme, ce peut être donc :

  • une conception lourde et figée des programmes, pseudo-encyclopédique et obsessionnelle… !
  • une conception linéaire de l’activité d’enseignement,
  • une conception pesante, ou trop distante, de la relation aux élèves
  • une déficience d’ingénierie pédagogique

D’où proviendrait cette autosuggestion négative ?

Souvent, dans les institutions centralisées, les gens n’osent pas prendre les solutions et les décisions qui sont à leur portée. C’est une mise en impuissance collective. « Ce n’est pas possible, on a essayé » ; « les autorités l’interdisent ; , « c’est inutile avec les élèves tels qu’ils sont ». Ne retrouve-t-on pas ces litanies de la conservation d’une situation triviale, très fréquemment, dans notre système de formation et d’enseignement ? Cela pourrait provenir à la fois d’habitudes et aussi d’un déficit d’ouverture et de complexité organisée dans les formations des enseignants.

Nos collégiens ne s’autorisent pas assez à s’autoriser. S’il s’agit très souvent d’innovations à mettre en œuvre, ou d’accepter de nouvelles manières de faire, les enseignants français éprouvent une résistance qui tient au fait qu’ils craignent de faire du nouveau. Ils croient l’Institution, étatisée, beaucoup plus raide qu’elle n’est. C’est une vision fossilisante de celle-ci..

La position initiale de l’enseignant en France est pourtant liée à une conception individualiste, voire anarcho-syndicaliste, dans laquelle chaque enseignant est réputé propriétaire d’un poste dans les conditions où il est en état et en droit de faire les choses qui lui conviennent. Mais, en même temps, s’oppose l’existence du cadre institutionnel dans lequel les individus placent leur angoisse d’indépendance, avec des contraintes multiples de temps, de lieux, d’objectifs. Ce sont des conditions très contradictoires par rapport à leur élan d’individualisation ; elles risquent de pousser à un modèle moyen habituel et d’obérer en chacun la personnalisation créatrice.

On peut citer à titre d’amusement encore d’autres logiques contrariantes qui interfèrent dans la réalité des enseignants,

« Nous n’avons pas le temps »

« Nous n’avons pas été formé pour cela (nouvelles taches, nouvelles manières, nouvelles…) »

« Les élèves n’ont pas le niveau ».

« Autrefois, c’était mieux. »

« Que va dire mon inspecteur, nous ne sommes pas soutenus par l’Institution. »

« Les parents ne sont pas d’accord. »

Comment alors pousser les collègues à oser ouvrir la porte ?

Qu’est ce que chacun peut en effet faire dans le cadre d’une Institution, à la fois ancienne et apparemment très formatée ? Michel Serres (in Rameaux, sur le formatage du père) l’analyse bien : chacun doit enseigner ce qui provient des générations antérieures par le fait de la littérature ou de la culture ; il est nécessairement dans le formatage du père et ne s’autorise pas, trop naturellement, à être le fils capable d’initiative.

Il faut pourtant pour ce chacun se départir de ce sentiment de relative impuissance qui le conduit à un enfermement.

Il y a toujours, dans une clôture, des issues, des réalités faillibles, des interstices. Mais nous ajoutons trop inertement à la fixité des choses en les bouchant par un lancinant besoin de sécurité. Dans notre monde actuel, où cependant les réalités de toutes natures sont en train de changer très rapidement, il y a cependant plus grave péril à rester statique.

Enseignants, nous sommes de plus en plus Invités à créer : qu’est-ce qu’il est possible, à trouver comme solutions neuves qui permettent de faire originalement progresser nos élèves ? La donnée basique de l’Education a toujours été la Liberté pédagogique, depuis Jules Ferry et non se cantonner dans ce qu’on a vu ou entendu dans les pratiques de formation. Cela est bien rappelé dans une « Loi », celle de 2005, et de son article 34 (droit à l’expérimentation pédagogique).

Il est vrai, le travail relationnel est toujours anxiogène, a fortiori avec des groupes d’enfants. Un souci d’adaptation revient trop souvent à se donner une consistance défensive et conservative. On projette alors sur l’Institution des rigidités qu’elle n’a pas forcément. Les enseignants habitués à la compétition du système universitaire pensent le système scolaire comme celui d’individualités en concurrence, avec des liens méfiants. La difficulté de communiquer professionnellement est évidente.

Les implications pour penser la formation des enseignants et l’enseignement aux élèves sont nombreuses pour assurer la variété, les choix possibles d’organiser les classes, les alternatives de progressions, préparant les élèves à la souplesse et non au psittacisme[2]. La richesse est celle du possible, la difficulté vient de la pauvreté et la rigidité « monogamme. »

Car on peut voir le programme de l’Enseignement comme un large catalogue de gammes, en possibilités offertes et non comme l’énoncé d’une menace impliquant que tout son contenu doit être fait. L’enfermement ici est excessif, quand n’est pas laissée une responsabilité de choix sur l’importance, l’intensité à accorder aux divers éléments.

L’autre enfermement réside dans la rigidité de notre évaluation : elle se veut habituellement absolue, définitive, sans discussion. Nous n’aimons pas la laisser apparaître comme si elle était un élément provisoire, indicatif, stimulant.

Il en résulte le danger d’arriver à une identification entre la nature de l’élève et le produit éphémère de son travail, bloquant devant lui des portes d’avenir et de vie.

Au surplus, chaque enseignant, chaque discipline s’étant fermée, l’intercommunication et les choix ne se font pas. Il n’y a de « portes » pour des adaptations. L’égalité s’enferme dans l’identité, c’est-à-dire dans la clôture de chacun sur soi. On confond uniformité et uniformisation, de quoi mettre à « cran » les jeunes décrits comme « nuls », ou « insuffisants », oralement et par écrit, ou sur écran.

Qu’en pensez-vous ?


[1] Au départ, le film s’intitulait « Les naufragés de la rue de la providence ». le titre définitif a été suggéré à Bunuel par un de ses amis dramaturges qui l’envisageait pour une pièce de théâtre. Le titre, référence à l’Apocalypse était libre de droit et Bunuel l’a utilisé pour son film.[2] psittacisme : vient de perrroquet : répétition mécanique de notions qui n’ont pas été assimilées.

La construction du rapport à la Loi, une fausse bonne idée ?

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Une équipe dans une école en milieu scolaire difficile à Paris s’est attachée à affermir le « rapport à la Loi ». Cela a été une (bonne) occasion d’envisager cette approche sous un angle plus… systémique que frontal.

La réflexion peut partir d’un postulat à vérifier : Est-ce que parce qu’on affermit la Loi les choses vont être plus claires ?

Nous pouvons nous inspirer de l’exemple de la conduite automobile . La Loi prescrite dans le Code civil et les règles (Code de la route) sont édictées au-delà de nous, il n’existe pas d’adaptation locale en milieu rural ou en milieu parisien ! : la question ne porte pas sur l’application (ou non) des règles, mais plutôt sur la manière dont chacun d’entre nous s’approprient ces cadres et « jouent » avec elles : tout trajet est une prise de risque ; il peut y avoir une confiance absolue en la Loi, mais chacun pourtant exerce sa vigilance et son questionnement à tout instant, par prise d’indices (devant, à côté, derrière) et par régulation de son action au regard d’un contexte mouvant et dynamique ; cette veille devient réflexe de survie, qui permet que tout cela se passe normalement bien ; et pourtant les incidents, ou accidents, existent. Le rappel à la Loi empêche-t-il ou prévient-il tout cela ?

Si je veux conduire une classe, une école,, à quoi dois-je veiller, quels sont les réflexes que je dois acquérir ? Que dois-je vérifier, quand bien même lois et règles existent ?

Le CRL seulement perçu sous l’angle de l’interdit, sous la forme d’un règlement prescriptif et chargé « négativement » peut être un choix formel, restrictif et « punitif », mais ce n’est pas la Loi. C’est une tentative de réponse réactive à une autre question : comment réduire la violence entre les élèves.

Si la seule réponse est le renforcement des interdictions (et la recherche de sanctions), c’est-à-dire une forme de répression, c’est inefficace. Nous le constatons dans la vie « civile, dans la vie personnelle ; il n’y a pas forcément de raisons objectives pour que cela fonctionne dans la vie scolaire.

La liberté, c’est la responsabilité, par, pour et avec les autres

Prenons un autre exemple… de conduite : si on veut apprendre à un enfant à faire du vélo, le parent attentif peut l’équiper de roulettes, mais l’enfant n’apprendra pas pour autant le principe du vélo, à savoir le déséquilibre dynamique. Il faut bien faire son deuil de la sécurité absolue pour permettre de commencer SANS roulettes, en l’accompagnant, pour autant avec un maintien plus ou moins ferme: pour éprouver la liberté, il faut un espace de prise de risque, un espace de DECISION.

A présent qu’il se lance, si le cher parent met l’enfant qui apprend le vélo sur une voie, mais en lui signalant les deux poteaux qui la coupent, l’enfant aura une tendance forte à foncer dessus, tout concentré qu’il est à vérifier, dans la complexité des opérations mentales et physiques, à combiner ses gestes et choisir sa direction. En voulant trop l’assister, le parent peut être alors agent indirect de la chute.

Ce n’est pas le moindre des paradoxes qu’en signalant le danger, la chose arriva. Nous pouvons penser qu’en travaillant explicitement de manière focalisée sur les choses à éviter en matière de « vie scolaire », les choses n’arrivent de même. A trop focaliser sur les interdits à l’Ecole, dans une volonté de tout régenter, une équipe peut armer certaines situations, quand on sait que les enfants apprennent d’une certaine manière à (se) jouer avec les interdits, pour grandir.

ATTENTION : le CRL peut être une réponse décalée. Que voulons-nous voir changer concrètement dans l’école ?

Il s’agit d’étudier nos pratiques et celles de nos élèves, nos attentes et les leurs, et les interactions entre ces deux « mondes ». Car, ce qui nous gêne les gêne-t-il vraiment ? Sommes-nous, nous enseignants entre nous, certaines que ce qui gène soit les mêmes actes, au même degré, de la même nature. Les variations peuvent être grandes dans ce domaine (grilles de lecture différentes).

Ainsi, Eric Debarbieux [1]nous prévient, en cherchant à affermir la Loi, nous traitons finalement autre chose : le traitement des incivilités,. Ce sont ces micro-actes, paroles, situations infra-légales et donc non traitées qui pourrissent notre système de représentations du « monde », de l’ordre des choses de l’Ecole. C’est pour cela que nous ressentons parfois un malaise certain : les incivilités concourent à une ambiance parfois délétère qui n’est pas traité directement par la Loi. La question fondamentale est celle des valeurs que nous défendons, et de la manière dont nous pouvons les transmettre aux élèves.

Retournons la question : que souhaitons-nous ? Comment transformer ces messages négatifs d’interdits, de sanctions, en messages positifs ? En cadrant sans arrêt, on envoie un message négatif qui risque d’influencer négativement les comportements des élèves : effet Pygmalion (voir enfant à vélo à qui on demande de faire attention aux poteaux sur la route et qui fonce dessus).

Il s’agit de travailler sur la positivité des messages et des réactions, de mettre l’accent sur ce qu’on a le DROIT de faire, et sur les raisons pour lesquelles il est intéressant de le faire, mais aussi sur les régulations nécessaires et supports d’apprentissage de la vie sociale.

METTRE EN SYSTEME VIE SCOLAIRE ET APPRENTISSAGES

Penser aux liens : dans l’école, il n’y a pas seulement les LOIS, mais aussi et surtout les APPRENTISSAGES (inscrits eux aussi dans le registre légal, sans pour autant être des « lois » : socle commun, programmes etc…). Il s’agit de penser en système, pour voir comment les deux fonctionnent ensemble :

Comment ces deux pôles s’articulent-ils ?

Si on charge négativement le pôle LOIS, quelle ombre cela peut-il jeter sur le pôle APPRENTISSAGES ?

Centrer l’attention collective et l’action individuelle sur les apprentissages, peut avoir des effets positifs sur les rapports entre les élèves et sur la régulation des relations et des tensions. Si on centre l’énergie collective sur les lois, qui plus est de façon négative, on risque d’appauvrir le reste.

Le travail porterait donc plutôt sur la manière dont on organise la classe et les apprentissages. Les apprentissages peuvent servir de médiations / problèmes rencontrés.

Il ne s’agit pas de « faire le programme » uniquement, mais de veiller, à l’instar de la conduite, à donner toute son importance à la manière dont les élèves travaillent ensemble, du travail de coopération et sur les connaissances interpersonnelles que la classe organise : plus on connaît l’autre, moins on l’agresse. Ce sont l’ignorance et la distance qui créent la violence. La violence naît quand les mots s’épuisent.

Le SOCLE COMMUN des apprentissages est intéressant dans ce qu’il peut servir de cadre pour tout ce travail à mettre en place dans les classes : tout y est, en intégrant explicitement dans les apprentissages les dimensions d’autonomie, de coopération, de régulation, de vie collective. Apprentissages tout aussi fondamentaux que la maîtrise de la lecture. Il est aussi une grille d’évaluation intéressante pour voir ce qu’on a développé dans notre travail, et si ce qu’on a mis en place a des effets.

A l’autre bout de la « chaine scolaire », il est intéressant de constater que les trois principales raisons pour lesquelles sont rompus les contrats des apprentis sont toutes en lien avec le socle commun des apprentissages :

Mauvaises relations avec le reste de l’équipe, les clients…

Absentéisme (absence de cadrage mental / gestion du temps)

Difficultés à lire et à écrire

Les compétences manquantes ici dans le domaine professionnel sont bien assurément des compétences insuffisamment travaillées dans le domaine scolaire.

Il est important de voir avec les élèves la dimension sociale de l’apprentissage, notamment en cycle 3 : quelles projections possibles ? De rencontrer non pas des collégiens (trop proches) mais plutôt des lycéens ou des plus grands encore peut leur donner des indications / possibilités qu’ils ont de se projeter, et leur permettre de comprendre les règles comme n’étant pas seulement édictées par et pour l’école.

L’exemple du lycée-collège Bergson (19ème arr), peut nous renseigner sur cette interaction entre situation scolaire dégradée et apprentissages : une enquête portant sur le sentiment de discrimination des élèves a été menée : en 4 ans, le pourcentage d’élèves se sentant discriminés est passé de 80 % à 10 %. Pendant ce laps de temps, tout l’établissement a travaillé sur la question du développement durable, dont les aspects sociaux et citoyens sont très importants., et donc pas seulement sur le tri des déchets ! Sur plusieurs années, les classes de l’établissement ont travaillé, de manière variée, complémentaire et participative, chacune à différents aspects du problème. Une fois le bilan énergétique fait par certaines classes, le relais a été passé à d’autres, qui ont fait des propositions, des vraies, que d’autres classes encore ont étudiées, etc. Les applications concrètes ont été actés dans le fonctionnement de l’établissement.

ELEMENTS IMPORTANTS dans ce genre de projet :

Les élèves sont véritablement impliqués (valorisation, motivation, investissement, coopération, choix)

On fait le deuil de l’immédiateté pour s’inscrire dans un temps LONG : on travaille sur les représentations, qui viennent de loin : le travail ne peut se faire que lentement

Travail sur l’espace : on refait l’établissement, et pas seulement son règlement. C’est une aventure collective, adultes et enfants, on remet en jeu différentes dimensions.

Dimension artistique : création + esthétique en lien avec l’estime de soi. La création est une extériorisation de l’intériorité, fondamentale dans ce type de projets (voir aussi poupées UNICEF). Voir notamment les ateliers d’écriture :. La mise en mots est un vrai traitement préventif, qui permet de changer le rapport entre prof et élèves autant qu’entre élèves, et nous déplace professionnellement (tout ne dépend plus de nous).

Place et temps donnés à la parole de l’élève, à l’élaboration collective régulière, à la régulation collective dans des conseils, à la complexité, à l’expression de soi jouent sur le climat de l’établissement

MEDIATIONS et DERIVATIONS

Ici, il devient intéressant de recourir au concept développé dans l’analyse systémique et chez les psychologues et psychiatres : les situations duelles, les oppositions terme à terme, personne contre personne, évoluent la plupart du temps en escalade symétrique, et en renforcement négatif, jusqu’à clash. Chacun, dans la confrontation à l’autre, renforce sa résistance. La régulation ne peut se faire qu’en triangulant la relation avec un troisième élément dérivatif et créatif. C’est le « pas de côté » qui permet de dégonfler bien souvent des situations conflictuelles.

Ainsi, en guise de médiation à l’Ecole, il s’agit d’OUVRIR le champ des possibles qui s’offre aux élèves, d’élargir son horizon , ses représentations, ses « mots » au maximum :

Par exemple en travaillant avec eux à partir des vidéos sur les situations d’écoles d’Amérique du Sud ou d’Asie (l’Afrique, trop proche, ne permettrait pas de véritable médiation culturelle) – voir site http://www.curiosphere.tv/, qui propose de nombreux documents et vidéos / thèmes éducatifs. Une fois la vidéo regardée, discussion / ce que fait le maître, ce que font les élèves, ce qu’ils apprennent, les conditions… On pourrait ritualiser ce moment en étudiant chaque semaine pendant une dizaine de minutes un nouveau document / écoles du monde.

Mais aussi en s’appuyant sur des contenus de savoirs, qui peuvent sembler exigeants… tout comme le vélo quand on commence ! Les Contes, les mythes et quelques autres grands textes de la culture patrimoniale ont une portée symbolique et projective qui concerne tout petit d’Homme ; en évoquant le héros, en s’affrontant à des angoisses humaines, l’enfant s’outille pour les dépasser (voir Boimare, qui travaille au CMPP Claude Bernard et pourrait intervenir si on le lui demandait)

Il est fondamental de TRIANGULER la relation, de faire du savoir un médiateur dans la relation prof / élèves.

Au lieu de chercher, parfois vainement, à reconstruire la Loi, qui de toutes façons est déjà écrite, il s’agirait d, imaginer des parcours de dérivation destinés à organiser et à réguler les relations, en apprenant ensemble.

Pour cela, sans forcément sortir des logiques de classe, on peut envisager des dispositifs de tutorat pour travailler sur le différentiel (d’âge / de niveau / de support) et produire une dynamique.

Parcours d’élèves, de groupes d’élèves mobiles sur périodes de plusieurs semaines : pour une partie du temps scolaire, mixage dans les classes pour des groupements différents qui impliquent le choix des élèves : atelier d’écriture, découverte des écoles du monde, ateliers d’expression artistique, contes… Ces différents groupements permettent les mêmes apprentissages (notamment / compétences sociales et civiques + autonomie et initiative du socle commun) avec colorations différentes selon les domaines.

On donne ainsi le choix aux élèves, après un entretien portant sur les raisons pour lesquelles il choisit tel ou tel groupement (on part de ses envies ou de ses besoins).

En travaillant sur la différenciation, et pas forcément toujours sur la remédiation (réparation), on agit sur la pacification des esprits, des relations et de la vie collective. André de Peretti nous le signale: « on apprend par, avec et pour les autres ». Et c’est tant mieux.


[1] Voir Eric DEBARBIEUX, sociologue, université de Bordeaux, expert dans l’analyse de la violence scolaire :

http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/larecherche/Pages/2006/analyses_71_ViolencescolaireJesuispessimistenousditEricDebarbieux.aspx

Peut-on (encore) innover en classe, avec et par et pour les élèves ?

Article à destination du Café pédagogique n°97, nov. 2008

propos recueillis par François Jarraud

« 1001 propositions pédagogiques » est un livre original, foisonnant,
c’est tout sauf un manuel et le titre lui-même est éclairant. Pourtant
il a un but. Pourquoi prendre cette forme plutôt qu’une formule plus
classique ? Par quel bout faut-il le prendre ? Ne risque t on pas de
s’y perdre ?

Peut-on engager à l’innovation et à la créativité en éducation, en formation, en animation, en enseignement en adoptant des formules plus « classiques » et attendues, plus respectueuses de notre coutume française et universitaire ? Sans doute, d’autres l’ont fait, avec talent. Combien de thèses sur l’éducation ont été produites, mais avec quel effet et pour quel public enseignant ? ; les éditeurs comme les inspections déplorent le manque d’approfondissement didactique et professionnels[1] de leurs enseignants ? A l’opposé, combien d’ouvrages et d’essais de rentrée, plus conformes, ont été publiés, pour dénoncer, décrier et déstabiliser finalement le monde scolaire ?

Notre choix est délibéré, il prend appui sur plusieurs éléments : d’une part, il nous semble intéressant, voire nécessaire pour notre public professoral, de parier sur une isomorphie entre situation d’enseignement et situation de formation ; il est difficilement tenable de dire à présent « il est possible de faire différent » et de tenir le cadre rigidement, sans soi-même ne rien changer. Ce n’est pas le moindre des paradoxes actuels de notre gouvernance.

D’autre part, nous avons conçu l’ouvrage pour que le lecteur puisse s’y plonger ; son premier titre avait d’ailleurs « voyage au centre de l’enseignement », en hommage à Jules Verne, telle une invitation au voyage, avec ses détours et trouvailles inattendus. La lecture n’est pas linéaire ; ouvrez-le sur une page quelconque, nous faisons le pari que vous pourriez y piocher un élément, un point d’appui [2] pour étayer originalement pour votre enseignement.

Ce principe de lecture s’inspire beaucoup notre expérience de l’internet[3], que nous développons depuis quinze ans à présent, sur la démarche de sérendipité[4]. Cela nous semble une réponse à la complexité de notre métier et aux interactions fortes actuelles entre pratiques de classes, organisation du travail et valeurs professionnelles. Quelle que soit l’entrée que vous aurez privilégiée, elle vous ouvrira sur une même réalité, dans sa riche complexité, dont vous ne pourrez ignorer les autres facettes. C’est ce principe que vous pouvez retrouver dans le « Manuel de survie à l’usage de l’enseignant, même débutant[5] », qui vient d’être actualisé cette année.

Se perdre, mais c’est ne pas prendre de décision originale et stimulante; on retrouve vite la métaphore de Descartes de « l’homme dans la forêt ».L’ouvrage met le lecteur en situation de choix responsables et de micro-décisions à prendre, à tester, à analyser., en habilité et en évitant les risques de monotonie et d’ennui, contre-productifs.

l’ouvrage est riche en suggestions, en expériences. En quoi votre
position professionnelle a pu vous aider à enrichir le livre ?
Notre ouvrage illustre la confluence de trois sources : d’une part, il actualise les travaux engagés de nombres d’équipes de terrain qui avaient été formalisés dans le cadre d’une recherche à l’INRP sous la direction d’André de Peretti[6] sous le titre de « Rapport sur les points d’appui de l’enseignant », à une époque où la diffusion et même la publication étaient encore à son balbutiement ; pourtant réédité, mais l’accès était rare, et aride ; c’était une véritable banque de données, dont bien des planches avaient été extraites pour animer des formations, jusqu’à en perdre la référence initiale. Le temps a joué son rôle de sédimentation, et nous avons choisi de prendre appui sur quelques éléments encore très actuels pour notre métier.

D’autre part, c’est toute l’expertise d’André de Peretti[7] qui anime l’ouvrage ; il reste la personnalité qui a présidé à l’émergence de la professionnalité de l’enseignant, en engageant résolument la réflexion sur la nécessaire formation, initiale et continue, au sein de l’Education nationale en France. L’histoire institutionnelle en décida après autrement : avec la complication de nos organisations scolaires, administratives et universitaires ; les dispositifs ont été brouillés. A l’heure du débat de fond sur le métier lui-même, et partant, sur la formation nécessaire et utile des enseignants, il nous a semblé opportun de signaler l’obligatoire renforcement des compétences et des connaissances en matière de variété requise des pratiques et des organisations de classe, domaine pas forcément investi dans l’université.

Enfin, plus personnellement, mon positionnement institutionnel en tant que responsable de la mission « innovation et expérimentation[8] » dans une académie, m’invite depuis plusieurs années déjà à accompagner les changements profonds et durables des pratiques individuelles et collectives du premier comme du second degré ; cela passe autant par l’analyse partagée des dispositifs[9] en place, par la formation des formateurs[10] et des conseillers au niveau national, comme par la production de ressources et d’instruments issus de ces travaux.

Ainsi, inviter à la variété des pratiques n’est pas futil : elle prend appui non pas tant sur les possibles, dans une virtualité onirique, que sur des pratiques « déjà là », encore émergeantes. Les suggestions sont donc des expériences validées, affinées et diversifiées, qui permettent d’espérer une évolution de notre système d’éducation, non tant par la réforme, que par les pratiques. Changement du 3ème type[11], dirait Perrenoud.

Toute une partie du livre colle au quotidien de la classe. Mais un
prof seul peut-il réellement « innover en classe » ?

Le quotidien de classe, c’est l’environnement où tout se fait, ce sont ces micro-actes, gestes, paroles et interactions avec les élèves qui, à terme, fabriquent les performances ou les échecs ; c’est pourquoi il est important de porter notre attention sur ce domaine « allant de soi », et jamais bien exploré, comme si tout « allait de soi ». Qui le voit d’ailleurs ? Où en parle-t-on ?

Votre question peut paraître étonnante, au moins sur deux points : le « pouvoir » et « innover ». D’abord, dans la prise de décision, dans son style d’enseignement, s’agit-il de « pouvoir », c’est-à-dire de disposer, en responsabilité personnelle, de moyens ou de dispositifs particuliers éprouvés externes qui invitent à l’action ? Ou alors de «savoir », domaine où la formation peut agir mais aussi où il est important de faire l’inventaire expert des outils et des pratiques (c’est un peu le sens de notre ouvrage), ? ou encore, de « vouloir » ; dans ce domaine, est-on sûr qu’il est acquis que tout professeur cherche à innover en classe ? Notre corps enseignant est très partagé sur ce point.

« Innover » n’est pas forcément le nouveau à tout prix ; c’est combiner, souvent chercher des alternatives quand on est confronté à un problème irrésolu, quand vous sentez qu’il n’y a pas d’ajustement entre ce que vous mettez à disposition des élèves et leurs résultats en ce qu’ils en font . Certains pourraient s’en contenter, en imputant les défauts à une causalité externe, d’autres vont tenter d’interroger ce microsystème subtil entre professeur/savoirs/élèves. Le point de vue est très différent, les conséquences aussi !

Avec André, nous invoquons « l’effet Bunuel[12] » comme métaphore, à partir de l’analyse du film de l’Ange exterminateur, où tout un groupe se trouve enfermé, sans avoir oser une seule fois ouvrir la porte…pourtant ouverte. Mais il faudrait oser user de sa responsabilité personnelle pour sortir de l’enfermement stérilisant.

Parmi toutes ces expériences j’avoue que c’est la partie sur la
gestion du temps scolaire qui m’a le plus passionné. Il y a là des
réalisations concrètes, présentées rapidement et efficacement et qui
ont remarquablement réussi. Votre ouvrage les fait connaître. Mais
pourquoi ces informations ne circulent-elles pas plus ?

Combien je partage votre enthousiasme et votre étonnement en même temps ! Bien des équipes n’attendent pas réformes et injonctions pour ajuster au mieux leur organisation scolaire, temps et espace, à la recherche de la performance de leurs élèves. Ce qui les différencie des autres, c’est qu’un collectif organisé, avec direction et formation dans le coup, s’applique à toucher à la loi d’airain de notre système : l’organisation tayloriste de nos établissements. Mais heureusement, toutes sortes d’établissements[13] l’ont fait et le font actuellement, ce n’est pas réservé aux seuls élèves « décrocheurs » comme on le voit souvent, mais aussi pour des établissements parfois élitistes. C’est donc qu’il y a aussi une réelle plus-value, pour tous, dans une organisation du temps modulé avec efficacité.

Cette approche du « temps mobile » n’est pas nouvelle ; Aniko Husti[14] l’avait déjà diffusé dans les années 80/90, ses conclusions reprises aussi dans les rapports de l’Inspection générale[15]. Le réseau de l’innovation[16] a engrangé tout cela depuis des années, et mis en ligne. Nous avons donc les études de cas, les outils, les évaluations, les « savoirs professionnels » à disposition. Mais… qu’en faisons-nous ? Et à quelle échelle de diffusion et d’expérimentation ?

Nous touchons ici des « fondamentaux » de notre métier et de notre culture professionnelle : chaque établissement a sa propre histoire, dispose d’une combinatoire spécifique entre compétences présentes, valeurs assumées, mode de direction ; nous sommes dans une organisation humaine et professionnelle complexe, où l’engagement n’est pas collectif, il reste du domaine de l’acteur ; nous savons ce qui « marche », nous savons en décoder la réussite ; mais nous sommes collectivement en incapacité de reproduire le phénomène, tout du moins en masse.

La question porte autant sur la responsabilité de chacun des acteurs, que dans la prise de décision au niveau politique. N’oublions pas un échelon, celui des « corps intermédiaires » (formateurs, conseillers pédagogiques, inspecteurs, directeurs) qu’il s’agit d’impliquer dans ce jeu. Le changement d’organisation impacte tous les métiers et les relations entre les gens, à tous les niveaux ; ce ne peut être seulement qu’une « affaire de profs » !

Visiblement vous croyez dans la diversité, la créativité. En
théorie elle est possible à travers l’article 34, le dogme de la
« liberté pédagogique ». Mais on voit bien qu’en fait l’un et l’autre ne
changent pas grand chose, si ce n’est souvent faire admettre de
véritables régressions. Comment impulser une véritable diversité dans
l’éducation nationale ? Quelles pourraient être les conditions du
changement ?

Il ne s’agit pas de foi, mais d’une analyse sur le fonctionnement des systèmes. L’égalité mathématique ne fonctionne que par la diversité des éléments et non leur identité. On dit bien A = B. Toute dynamique[17] n’existe que par les différentiels.

L’article 34 de la loi de 2005 donnant le droit à l’expérimentation pédagogique[18] est une « ruse de l’Histoire » ; réclamé il y a 25 ans par la gauche, il est acquis par une loi ( !) dans un contexte de droite conservatrice. C’est donc qu’au-delà des péripéties des alternances politiques, des forces travaillent notre structure éducative, à présent plus rapidement qu’hier. L’expérimentation ne s’inscrit suffisamment pas dans une logique de libéralisme ; c’est pourtant le maillon qui complète le dispositif qui reconnaît depuis 1986 l’autonomie et la responsabilité de l’EPLE. On retrouve la logique qui agit dans le développement durable : « penser global, agir local ».

Ce qui impressionne actuellement, c’est encore la paralysie des acteurs locaux à se saisir de cette carte blanche, à se saisir de toutes les dimensions possibles, collectives, créatives au service de tous les élèves. C’est le sortilège de l’effet Bunuel évoqué plus haut.

Il nous faut donc travailler à une véritable pédagogie de « l’empowerment [19]» ; quand bien même les contraintes sont fortes, les conditions d’exercice plus difficiles, êtes-vous satisfaits de l’organisation, mécanique, répétitive et fastidieuse, de votre travail et des résultats produits auxquels vous participez ? Si oui, nous ne pourrons pas travailler ensemble ; si non, alors, un ouvrage tel que les « Mille et une propositions », et des missions d’expérimentation telles qu’elles peuvent exister dans les académies, peuvent alors nous entraider solidairement, dans l’enthousiasme de notre action professionnelle difficile mais plus que jamais essentielle pour la stabilité de nos sociétés en changement accéléré.

« entendre » plus loin :

5 podcasts en échanges croisés autour des thèmes abordés dans ce livre, entre les deux auteurs, sur la page http://lewebpedagogique.com/diversifier/1001-propositions-pour-innover/

Voir aussi le « livre d’or » du livre et des sites associés (nov.2008)


« Demandez le programme » ou alors n’oubliez pas carte et boussole en éducation !

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Délaissant tout bestiaire, mais enseignant à des étudiants en sciences de l’éducation,  alors à l’université de Florence, l’un de nous usait à leur égard d’un apologue de la forêt pour expliciter le sens des programmes d’enseignement. Ce qui peut nous être utile dans cette époque d’application de programmes réformés dans premier degré, mais aussi dans bien des disciplines dans les autres degrés.

Je vous propose cette jolie histoire, à la suite de laquelle je me permettrais de vous poser une question. Lisons:

Logique de la forêt et sécurité des « visiteurs »

« La lisière d’une belle forêt[1] allait être ouverte à des visiteurs. Il fallait compter une quinzaine de jours normalement ou en gros pour la traverser. Mais pouvait-on laisser s’aventurer des personnes dans son univers, inconnu pour elles, même s’il s’agissait d’une forêt européenne, sans les munir de quelques informations et d’un savoir-faire idoine ? Et sans se prémunir contre des risques éventuels de poursuites juridiques en cas d’accident dans leur traversée.

Des experts élaborèrent donc,après de nobles disputes et de mutuelles concessions, un Programme de formation. Celui-ci par souci didactique était formulé dans les termes chaleureux et convaincants que voici :

« Vous allez traverser une très belle région boisée. Notre souci est de vous aider à retirer de votre parcours, si vous êtes seul, les meilleures expériences et la découverte du plus grand nombre de savoirs, tout en vous sauvegardant de certains risques éventuels.

Sur ce dernier point, comme vous le vérifierez sans peine, qui dit forêt, dit arbre et donc racines. Il n’est pas invraisemblable que, parvenu en huit jours au beau milieu de la forêt, vous butiez malencontreusement sur une racine et que vous vous cassez votre jambe gauche. Il n’est pas possible de vous laisser subir une telle éventualité sans secours. En conséquence, notre première intervention de formateur va être ici même de plâtrer votre jambe gauche, d’avance par précaution.

Dans le même esprit, il nous faut aussi faire l’hypothèse que vous puissiez vous sentir indisposé ou malade au milieu de notre forêt. Il importe que vous puissiez, en votre solitude, trouver la nature de votre mal. A cet effet, nous allons placer dans votre sac un dictionnaire médical Larousse. Et comme vous le savez, dans le risque des termes médicaux trop habituellement incompréhensibles, nous ajouterons, à votre disposition, un Robert en sept volumes. Mais comme l’a soutenu avec force un de nos experts, on ne peut se dispenser de placer aussi un Littré en cinq volumes pour vous aider à en savoir le sens dans votre sac. Comme cela, nous serons sûrs d’avoir fait tout ce qu’il vous fallait en vue de votre équilibre sanitaire au cours de votre progression dans la forêt.

Au fait, en celle-ci, il peut y avoir des mares, et par suite, des moustiques qui vous assaillent. A défaut d’abri pour la nuit ou le jour, il nous est apparu, comme plus simple solution, de vous enduire le visage et les mains, voire les genoux, d’une excellente pommade par laquelle vous serez protégé. Voila qui est effectué sans délai avec le plâtrage de votre jambe gauche.

L’indispensable savoir

Votre sécurité ainsi assurée, continuons le déploiement modeste de notre Programme. Nous connaissons vos soucis culturels. Il nous importe donc de pouvoir vous procurer une bonne connaissance de la variété de tous les arbres des forêts modèles, telles que les forêts australienne et amazonienne, afin que vous puissiez faire d’intéressantes comparaisons, notamment en raison des différences de météorologie avec l’Europe. Il nous a aussi paru utile de joindre, à ces données scientifiques, un cours précis sur les climats de toutes les régions de notre planète ainsi que sur la problématique actuelle relative au trou d’ozone.

Vous allez pouvoir de suite commencer votre saisie de ces connaissances, dans le mois qui vient, afin que nous puissions vérifier leur parfaite acquisition ; l’enseignement, comme la noblesse oblige.

Au cours de votre studieux et agréable apprentissage, s’il vous vient l’idée d’un savoir non encore présent dans notre Programme, nous nous ferons, en débonnaire pédagogie, un devoir de vous mettre en condition optionnelle afin de l’obtenir.
Ceci posé, vous ne pouvez ignorer qu’actuellement se déplacent, au voisinage de nos forêts, en Europe, des cirques avec des ménageries. Il est hautement vraisemblable que vous puissiez vous trouver nez à nez avec un lion ou un tigre (le romancier humoriste Jérôme K. nous avait bien dit : «  there is a lion in the way ». Mao en avait déduit que c’était des tigres en papiers.

Le principe de précaution

Voire, comme nous en préviennent les médias, ce pourrait être des lions qui auraient échappé à leurs gardiens. Nous ne pouvons vous laisser dedans cette perspective sans armes ni défense. Un expert médiéviste, consulté, nous a offert un boulet de pierre qui a servi mémorablement à la destruction d’un château fort ; nous allons le placer dans votre sac. Bien sûr, vous ne disposeriez pas d’une quelconque bombarde ni d’un savoir-faire pratique de son emploi, mais, votre culture générale aidant, nous sommes certains que vous saurez faire bon usage de ce beau boulet.

Au surplus, soucieux des techniques et des technologies les plus modernes, nous plaçons également, sous vos yeux, dans votre sac, un obus de canon de 105 sans recul, sûrs là encore que vous saurez en faire un bon emploi offensif, associé à celui du boulet de pierre.

Ceci posé, maintenant que vous avez acquis les connaissances fondamentales et que vous disposez d’un bagage très conséquent dans votre sac, il importe de se préoccuper de la restauration de vos forces au cours des quinze jours de votre traversée. A 4000 calories par jour au minimum économique prévisible, cela fait 60 000 calories qu’il vous faut absorber de suite sous notre contrôle vigilant.

Maintenant, nous sommes sûrs que vous êtes convenablement préparés et formés ; nourris et protégés, sûrs du contenu de votre sac, plâtrés et bien enduits de pommade : bon voyage alors dans notre forêt. Cognitivement vôtre désormais. »

A minimis

Aux étudiants ou collègues, en contrepoint de ce programme apologique et apologétique, notre ami avait toujours demandé avec naïveté sur quel autre programme de savoirs, de savoir-faire, et de charges économiques il serait bon de se mettre d’accord ? Et vous, quel serait bien votre avis, biologique, zoologique, botanique, hygiénique et géographique ?

Car il faudrait enfin savoir comment s’orienter, au minimum, et se sustenter : mais aussi observer, cueillir les fruits et champignons innocents, s’abreuver avec quelques grammes de précautions médicamenteuses, repérer les coins relativement secs où pouvoir dormir et rêver, fabriquer une couche ou déployer artistement un sac de couchage prévu à côtés des biscuits et d’une petite pharmacie ainsi que d’une boussole, bien calée dans le sac ??…. Et des cartes ?

Ah ! Quelle peut être la composition éternelle de tout « socle » afférant à un trajet précis dans l’humanisme. Nunc est erudimini[2]

L’absolutisme français

Ce que cet apologue de la forêt, ainsi que la fable des animaux précédente dénoncent aimablement, c’est notre propension nationale à conjuguer ensemble, et radicalement, une standardisation (les mêmes cursus et contenus pour tous) et l’encyclopédisme (ne rien laisser ignorer par chacun).

Selon nos vœux et valeurs communes, chaque élève est censé, quel qu’il soit, tout savoir, acquérir et pratiquer d’un « vaste programme », -comme aurait dit le Général de Gaulle à propos de l’éviction des gens bornés, qui ne cesse généreusement de s’étendre- et par rapport auquel chaque enseignant doit tout faire travailler à tous sur un niveau rigoureusement égal (ou plutôt identique) pour tous : et donc, au plus haut, par nationale et marseillaise fierté, Allons, enfants…. Le jour de gloire…

Et dès lors, si belle et réputée est notre offre de programme, pourquoi se soucierait-on des différences entre les élèves ? Les animaux distinguaient-ils entre le canard, l’écureuil, l’aigle, le lapin et l’anguille ? Et n’excluaient-ils pas noblement taupes, blaireaux et sangliers débiles ? Leur serions-nous inférieurs ? Que non pas ! Tous à la même toise ?, critiquait Léon Blum en déportation. De même, pourquoi se soucier des différences, dans les libellés des programmes et enseignement des connaissances.

Dans notre imaginaire collectif, notre projet légal, républicain, ne doit en conséquence souffrir aucune dérogation aux exigences de savoirs et savoir-faire dûment identiques et compactés. Ce qui serait, sous peine de meurtrir notre dessein historique, dévolu à l’absolu, décliné en langage radical, en centralisation,, en jacobinisme éclairé, en normalisation supérieure assenée (ah, ENS !)

Alors, qui se préoccuperait des talents divers de nos élèves, de leurs différences de santé ou d’origine, de leurs marges d’handicaps ou de leurs aptitudes, de leur style différents de mémorisation, de leurs goûts et a fortiori de leurs besoins et de leurs motivations. Qu’ils apprennent…(perinde ac cadaver[3])

Il est « républicain » de se détourner des modalités d’une « pédagogie différenciée ». qui tiendrait compte des différences entre les individus. Et il ne doit pas être possible de nous laisser inquiéter, au nom de la démocratie, (par un souci de « pédagogie personnalisée », invoqué par un ministre devant l’opinion.)

Il faudrait aussi se boucher les oreilles par rapport aux sirènes qui voudraient nous faire croire à la juste liberté pédagogique de tout enseignant ; qui lui conférerait le droit et la responsabilité de choisir, afin de faire trouver en son accompagnement, et avec l’entraide des camarades à chaque élève, le terrain, les connaissances, les chances de réussite, les possibilités de son approfondissement personnel : pour condition qu’ait été construit et acquis le socle commun à tous, avec le temps et l’organisation des classes idoines. Devrait-on se préoccuper d’une orientation des élèves ?

Le réalisme démocratique d’un « socle » et d’ « options »

Et bien oui, osons démocratiquement dire que le programme ne saurait se réduire à une standardisation des données indispensables pour participer à une civilisation et y trouver sa place individuelle. De même, il n’est pas non plus l’extension indéfinie de connaissances touche à tout, ni de faire subir aux élèves le risque de surcharges et d’un brouillage des « lumières » qu’une culture est destinée à leur apporter, sans les éblouir ou les aveugler. Un équilibre, un dosage diversifié, sont nécessaires pour tous.

Mais regardons encore le programme dans l’esprit de ceux qui les rédigent, ne serait qu’en socle. Ce terme, substitué ou précédent « tronc commun », signifie et souligne qu’on ne peut s’en remettre au seul appui sur des experts disciplinaires (« les experts font des impairs »), qui n’ont de souci que d’amplifier, pour leur matière, la surcharge.

Et ce caractère de surcharge signale des ambitions pseudo-enclycopédiques et même contre-encyclopédiques. Il faut choisir ! Un socle alors ? Mais aussi des options d’approfondissement.

En contrepoint du rapport Thélot , l’idée de socle[4], équilibrée par celle d’options, est salutaire comme sur le modèle anglo-saxon : au minimum, acquérir des connaissances « ordinary » ; puis se donner à des « advanced », le tout simultanément pour se développer sur une ou plusieurs disciplines par lesquelles on tâte son orientation, on essaie de se projeter, on élabore des projets originaux.. Il s’agit bien d’organiser la diversité des parcours. On ne peut exiger des approfondissements sur tout et pour tous. Il faut aider chacun à composer et à projeter le sien.

Si on ne s’en défie, sous leur inertie, les savoirs se rigidifient en réalités déterminées et figées, ce que symbolise le plâtre. On s’éloigne alors de la connaissance (naître avec) vivante, désirée La notion de « contenu », absolutisé, par définition laisse de côté le « contenant » et la synthèse des savoirs à réaliser en combinatoire.

Mais notre fable forestière, on peut y revenir, souligne l’utilisation exagérée de l’alibi culturel. Celui-ci permet trop souvent de mettre en avant la formation d’un esprit critique défensif, fermé à tout dialogue, à toute lecture. On met en défiance. C’est la dérive de la notion de critique : suraccentuer des limites, des difficultés, des précautions, au lieu de s’exercer à faire émerger des choses essentielles.

Précaution sur les précautions

Mais les medias concentrent trop, pour notre temps, l’attention vers des données négatives : défensives, « négatrices » comme le signale Ardoino[5] et destructives des motivations. Ces négations apportent des prétextes à la lourdeur des précautions prises. Il faut alléger pour mieux approfondir.

Avant tout programme, c’est l’état d’esprit initiateur qui est en cause, forcément suspicieux, si on n’y prend garde. On peut en ce sens reprocher aux concepteurs de programme un faux souci de modernité (« l’obus de 105 » de notre apologue), qui dispense de réfléchir à mettre en relation vraie les individus avec ce qui se fait effectivement dans la société.

On remarquera aussi la toute petite part d’ajout personnel au programme, concédé (exemple de la consultation des élèves qui a donné les TPE, supprimés pour les Terminales intempestivement en 2004 !

La fable de la forêt ironise finalement sur l’excès d’une formation antérieure abstraite, refoulant le projet d’une formation en marchant (expression du poète Machado[6]) ; où la connaissance scientifique s’élabore « la main à la pâte ». Faire regarder les fruits et les champignons, prendre des précautions eut été peut-être adéquat, pertinent dans l’immédiat ! Que peut-on transposer, de ces métaphores, pour fortifier les aspirations de nos élèves ?

Mais les programmes cherchent trop souvent à transmettre des connaissances non immédiates, décalées des réalités, et non opérationnelles, non mobilisables sur les besoins ressentis, avec des tendances archaïsantes permanentes.

On peut remarquer également l’absence d’une recherche de l’orientation ; pas de « carte », pas de « boussole » !: Que faudrait-il dans notre système éducatif pour réguler les cursus des élèves dans leurs différences ?


[1] Il est amusant de constater que le thème de la forêt est d’actualité à l’heure de l’éducation à l’environnement pour un dveloppement durable ; Organisée depuis 15 ans, l’opération « A l’école de la forêt » est citée comme support de la mise en œuvre de l’éducation à l’environnement pour un développement durable. http://www.ecoledelaforet.agriculture.gouv.fr/. Les élèves sauront-ils y retrouver un chemin que les enseignants doivent apprendre… sans boussole.

[2] Et mantenant soyez instruits Et nunc, reges, intelligite ; erudimini, qui judicatis terram ! « Et maintenant, rois, comprenez ; instruisez-vous, vous qui jugez la terre. »
Ces paroles du Psalmiste, dont Bossuet s’est éloquemment servi dans son oraison funèbre de la reine d’Angleterre, sont la consécration de cette vérité, que les malheurs des rois sont pour les autres rois la plus éclatante et la plus instructive des leçons

[3] « Comme un cadavre » : Saint Ignace de Loyola fit de ce mot la base de la discipline de son institut. Il voulut faire entendre par là que les membres de la compagnie de Jésus doivent être soumis aveuglément aux volontés de leurs supérieurs, sans opposer plus de résistance qu’un cadavre. Il est juste d’ajouter que cette obéissance passive n’était pas aboolue ; le fondateur y avait mis cette restriction : In omnibus ubi peccatum non cerneretur? dans toutes les choses où l’on ne voit pas de péché.

[4] Une réflexion sur le concept de socle est disponible sur le site des Cahiers pédagogiques, http://www.cahiers-pedagogiques.com/article.php3?id_article=1277 et http://www.cahiers-pedagogiques.com/article.php3?id_article=1478

[5] ARDOINO (Jacques).- PROPOS ACTUELS SUR L’ÉDUCATION. (Contribution à l’éducation des adultes). Paris, Gauthier-Villars, 5e édition, 1971, 454 p.

[6] Voyageur, le chemin

C’est les traces de tes pas

C’est tout; voyageur,

il n’y a pas de chemin,

Le chemin se fait en marchant

Otium versus neg-otium : ou l’innovation dans le temps scolaire estival ?

La très récente décision de reconsidérer l’horaire de formation des élèves dans le premier degré (1), ou encore les travaux bien engagés par des équipes, pas assez nombreuses, sur le réaménagement du temps scolaires (2), le succès reconnu depuis de l’organisation tripartite au collège CLISTHENE à Bordeaux (3), des initiatives déjà très développées au niveau du lycée général, comme celle du lycée Sainte-Marie-du-Port aux Sables d’Olonne (4), tout ceci forme un faisceau suffisant pour illustrer que le temps devient (enfin) une variable de l’organisation pédagogique, comme d’autres plus classiques.

Le temps « bloqué » de notre organisation scolaire

Ces équipes ont encore besoin parfois de se mettre sous « couvert » de l’autorisation de l’article 34 de la loi de 2005 ; mais elles savent qu’en considérant le temps global avec une autre optique que celle utilisée, elles envisagent des améliorations conséquentes à tous points de vue : celui des résultats des élèves, celui de la vie dans l’établissement, celui de la vie professionnelle des enseignants ; ces équipes font le constat qu’on ne peut faire évoluer sa pratique de manière conséquente sans à un moment reconsidérer le cadre de l’organisation (espaces et temps scolaires) ; sinon, à vouloir maintenir et conserver, on arrive à des phénomènes de saturation des activités, des temps de travail.. et des esprits.

Notre temps moderne s’inscrit dans une rupture forte par rapport au temps de l’Histoire occidentale tel qu’il a pu être décompté ; les heures de 55 minutes de notre école, les 24 heures qui subdivisent notre journée de travail et qui permettent de compter le temps dû et le temps personnel sont finalement d’invention récente, à l’aune de notre civilisation.

Le Temps est une donnée sans doute biologique, mais sa lecture est historiquement datée, et socialement située. Deux exemples, loin de la « chose scolaire » (quoique), peuvent utilement nous éclairer, par transposition.

Les temps longs de la journée médiévale

Faut-il rappeler que pendant des siècles, les « heures » étaient d’abord scandées au rythme des neuf heures de la « laus perennis », qui couraient dans chaque centre monastique, de ce réseau qui constellait l’Europe chrétienne, au son des volées des cloches.

C’est assez tardivement que les heures de la ville s’imposèrent en contre-pouvoir, dans un « manifeste » architectural notamment des villes marchandes du Nord (les beffrois) ; l’heure de la bourgeoisie, plus comptable, subdivisa en unités plus petites un temps de longue durée ; avec des effets durables sur l’intensité du travail et l’apparition de la notion de productivité, et en contre-partie, un émiettement des tâches.

Notre rythme scolaire en est directement l’héritier. Ainsi, serait-il intéressant pour nos élèves comme pour nous-mêmes de revenir à un décompte à unités plus longues, sur une durée pourtant égale au total, qui permettent aux jeunes d’avoir un espace-temps plus propice à un travail plus approfondi et plus personnel, à la manière de la « maceratio » de nos clercs d’antan ?

La bipartition du temps de la latinité

Et si nous osions remonter encore plus loin dans notre temps occidental, nous observerions le temps antique, plus précisément le mode de vie des aristocrates de la latinité classique et tardive. Il était organisé en deux espaces-temps distincts mais complémentaires : un mode urbain et un mode rural, alternés et dédiés à des types d’activités. Le latin dispose d’un mot pour chacun d’eux : l’OTIUM, qu’on traduit trop mal par « loisirs », était réservé à un temps personnel, d’études, d’écriture et de vie domestique, dans la « pars agraria » des riches villa rurales.

Par opposition termes à termes, ce qui n’est pas l’Otium, le NEG-OTIUM, qui donna plus tard le terme de « négoce » (c’est dire…), concernait les temps de l’activité sociale et professionnelle, des rapports à autrui, dans la Cité.

Il est donc surprenant de constater que le temps de l’OTIUM était donc premier et essentiel aux lettrés, à parité avec les activités inscrites socialement, et pas forcément valorisées. La richesse est celle de la propriété certes, mais aussi celle de l’Esprit, et du temps consacré à son propre développement personnel.

En sommes-nous si loin, près de deux millénaires plus tard ? Ce début de vacances scolaires nous permet de faire juste ce devoir de mémoire, en inventaire des formes d’organisation temporelle, pour inviter à l’innovation, plus tard, pour l’évolution de notre Ecole.

________________________

(1) à savoir supprimer les deux heures du samedi matin et les réengager au titre de l’accompagnement éducatif, dans des plages péri-scolaires, variables selon les écoles, à destination d’élèves aux besoins repérés

(2) les écoles dites ATS à Paris, depuis les années 1986 qu’on retrouve en partie dans les écoles « article 34 », voir http://innovalo.scola.ac-paris.fr , mais aussi les expérimentations nombreuses, parfois tombées dans l’oubli (mais pourquoi donc ?), compilées dans les travaux menés à l’INRP par Aniko Husti (,Le temps mobile, INRP, 1985 et La dynamique du temps scolaire, Hachette Education, 1999), notamment. Les différentes expérimentations menées en ce temps dans des centaines d’établissements sur tout le territoire ont permis d’envisager qu’à moyens horaires égaux (on dit DHG, dotation horaire globale), les solutions alternatives en organisation sont nombreuses, pourvu que et enseignants et direction, ensemble, accordent leurs objectifs. La relative complexité technique engage la compétence partagée ; et il s’agit bien ici d’un besoin de formation, peu satisfait malencontreusement ou encore jusqu’ici.

Voir notamment les trois vidéos d’Aniko HUSTI, extraits d’un travail INRP,sur http://francois.muller.free.fr/diversifier/ rubrique « temps »

Nous pourrions retenir quelques pistes intéressantes en matière d’organisation du travail :

n Annualiser les disciplines à faible horaire (enseignements artistiques)

n Proposer des temps forts chaque semaine ou trimestre, ou des semaines thématiques, sur la base de deux emplois du temps, un classique, un autre plus adapté pour ce projet d’immersion, d’intensification, de bains

n Organiser deux rentrées, une en septembre, une autre en février, avec des organisations horaire complémentaires, voire des groupements différents d’élèves, pour répondre aux dangers des doublements prévisibles.

n Traiter différemment la fin d’année, qui part trop souvent en quenouille, compte tenu de la désorganisation des examens pour certains niveaux.

n Organiser des temps choisis pendant la pause méridienne

n Organiser les élèves en équipes diverses et selon des rôles complémentaires

n Réserver 10% de l’horaire global à des modules transversaux ou interdisciplinaires

(3) Sur Clisthène, voir http://clisthene.net.free.fr/ , sinon leur rubrique mensuelle dans les Cahiers pédagogiques.

(4) Les séances de cours ont été ramenées à 45 minutes ou à un multiple de 45 minutes pour les enseignants qui le souhaitaient. Des intercours de 5 minutes ont été créés pour les déplacements des élèves et enseignants.

Les enseignants doivent donc pour chaque cours de 45 minutes restituer devant élèves 10 minutes dans le cadre de ce que nous avons intitulé SCM (Séance à Choix Multiple). Ces SCM ont une durée de 45 minutes. Le temps à restituer par chaque enseignant est comptabilisé sur l’ensemble de l’année scolaire puis divisé en séance de 45 minutes.

Ces SCM ont été placées dans l’emploi du temps des élèves à la fin de chaque journée de la semaine.

Les élèves peuvent accéder aux SCM une semaine sur deux. L’autre semaine concentre les activités d’ouverture et les temps que les enseignants et surveillants consacrent aux élèves pour les aider à définir leurs choix de SCM.

L’ensemble du dispositif SCM est géré par un logiciel qui a été créé par un enseignant. Il permet aux élèves de s’inscrire aux SCM via Internet. Les parents peuvent également avoir un regard sur les propositions du lycée et sur les choix faits par leur jeune.

Innovalo en Italie, ou cultiver son « jardin »

Il est toujours intéressant, voire surprenant, de jeter un coup d’oeil sur d’autres univers que le sien propre, histoire de voir comment nos réalités tellement spécifiques subissent un traitement tellement différent, et donc de bien comprendre que nos représentations françaises ne sont plus forcément « universelles ».

Ainsi, l’appellation d’origine de notre mission nationale et académique dite « innovalo » pour « innovation et valorisation des réussites », initiative apparue au MEN en 1994, et qui reste encore celle du bureau A11 (ou MIVIP), correspond chez nos amis italiens des Pouilles à une autre initiative tout aussi honorable: la culture des patates.

Cette culture toute nourricière, salvatrice pour des populations miséreuses au XVIIIème siècle, demeure à la « pointe » de l’agro-biologie méditerranéenne. Il faut s’en féliciter.

Pourrions-nous opérer courageusement alors une transposition à notre domaine formatif et éducatif ? La métaphore de la culture jardinière est ancienne en éducation; l’élève ne vient-il pas du latin « alumnus » ? Nous semons les savoirs, les compétences sont germinatives; le terreau demande à être amendé d’engrais; les récoltes sont souvent évaluatives. Les productions sont attendues et ramassées au début de l’été.  La recherche et la mission contribuent à améliorer les espèces et les résultats. Nous ne sommes finalement pas si loin des Pouilles.

Salut donc à nos amis d’Innovalo de l’Italie.

Et cultivons notre jardin, ainsi que nous y invitait André de Peretti:

« En 1994, création d’une sous-direction ministérielle chargée de la valorisation des innovations pédagogiques. A cet effet était placé auprès de chaque recteur un délégué académique à l’innovation. Et des comptes rendus importants, diffusant les procédures et les résultats d’innovations réalisées dans les établissements étaient en conséquence publiés dans chaque académie. L’encouragement, l’animation des initiatives, souvent associées à des recherches ou prolongées par celles-ci, s’avéraient et s’avèrent indispensables à la santé des corps enseignants.

Quoi qu’en pensent certains, la pédagogie, au cœur de l’acte d’enseignement, est l’art de la fraîcheur et du renouvellement pertinent ; elle est aussi l’expression d’une responsabilité créatrice. Et sa réalisation innovante a été soutenue par les enseignants français, sur le terrain. »

André de PERETTI, Pour l’honneur de l’École, Paris, 2000, p.165

O tempora,O mores: le temps mobile en établissement, toujours à revoir


Une information à la fois historique et d’une furieuse actualité ! Le « droit à l’expérimentation » inscrit dans l’article 34 de la Loi pour l’orientation de l’Ecole de 2005, et l’incitation forte désormais à « travailler autrement », faite par l’Institution elle-même, tant par la DGESCO, l’IGEN et les recteurs d’académie mettent les équipes de direction et d’enseignement devant des choix pédagogiques.

Non plus de simples projets, qui tout pédagogiques, restent intéressants en eux-mêmes, mais ils présentent la caractéristique de saturer le temps des acteurs et les organisations qui ne bougent pas pour autant. Pour peu, ils servent de caution pour un certain immobilisme des pratiques collectives. Mais des projets avec des « objets », comme dit Guy Berger, qui permettent à des équipes de faire évoluer tout ou partie de l’organisation du travail en établissement ; travailler sur le « temps mobile », des plages plus longues, des variétés de groupements accentuent les performances d’un établissement.

La forme du temps scolaire emporte le fond des pratiques enseignantes ! Par un paradoxe intéressant, une heure de cours, c’est trop long et pas assez: trop long pour un enseignement frontal, répété six fois dans la journée; trop court pour y installer une variété requise de formes de travail. Ainsi, en décompressant le cours sur une plage plus longue, on rend possible des phases d’enseignement, d’acquisition, d’appropriation individuelle et collective, de recherche et d’évaluation. Tout cela n’est pas nouveau en soi. Mais notre grande maison du Savoir semble être frappée d’amnésie professionnelle et de non-reconnaissance de l’expérience, ce qui dans d’autres milieux passerait pour une faute grave.

A l’occasion des travaux de mémoire, engagés avec André de Peretti, j’ai pu retrouvé une « pépite » en une VIDEO produite en 1987 par l’INRP et Aniko HUSTI, autrice du Temps mobile, en 1985. On y découvre des récits d’expériences réussies de temps mobile, de temps variables, à rythme parfois individuels, en Alsace, à Chalon, et… à Paris (Collège Braque, Lycée Bergson), des interventions d’enseignants, d’élèves, de parents. Les chefs d’établissement eux-mêmes, tableaux à l’appui, montrent la relative facilité de quelques dispositifs. Suivis d’entretiens avec Aniko Husti, Guy Berger et André de Peretti.

Vous pouvez visionner tout cela facilement sur l’internet (version rapide en flash) à partir de page http://francois.muller.free.fr/diversifier/index.htm ou plus directement sur http://francois.muller.free.fr/diversifier/TEMPS.htm

POUR ALLER PLUS LOIN

QUelques éléments d’analyse et d’actualisation des travaux de HUSTI en ligne à partir cette page

(extraits d’une publication « 1001 propositions pédagogiques », André de Peretti et François Muller, ESF, oct. 2008)