10 tendances en expérimentation pédagogique, une synthèse de trois ans

Ce nuage de tags met en exergue les mots-clefs de notre étude conduite sur les 100 équipes engagées dans l’expérimentation et l’innovation pédagogique dans l’académie de Paris, mais aussi complétée des activités de notre mission en formation de formateurs tout au long de trois années.

En quoi l’expérimentation pédagogique, plus de 100 équipes suivies sur trois ans, nous renseigne sur les grandes tendances et les « forces » qui travaillent nos établissements, nos métiers et influent sur les performances de nos élèves ? Une synthèse actuelle pour répondre à vos questions.

L’académie de Paris s’est engagée depuis trois ans dans un projet académique ; la mission académique de l’innovation et de l’expérimentation participe de ce bilan.

L’article 34 relatif au droit à l’expérimentation pédagogique (Loi d’orientation pour l’avenir de l’Ecole) dans l’académie de Paris a permis de procéder à trois campagnes d’appel à projet . Ce sont près de 130 dossiers, du premier et du second degré, qui sont traités, examinés et suivis suivant des modalités adaptées. Prés de 100 actions ont pu être retenues et suivies, dans les dispositifs conjoints soit de l’expérimentation, soit de l’innovation pédagogique.

Grâce au dispositif d’accompagnement, de suivi et d’évaluation mis en place par la MAIE, et en prenant appui sur l’expérience des années passées dans le cadre de l’innovation, nous pouvons repérer quelques évolutions notables dans trois grands domaines identifiés :
– L’évolution des contenus pédagogiques
– La complexification des organisations et des formes scolaires
– Les changements plus lents des pratiques institutionnelles

Les éléments présentés ici combinent exploration des terrains, accompagnement des personnels, analyse des bilans d’étapes, le tout mis en regard des enseignements de la recherche nationale, mais aussi européenne.

Ce sont des indications prospectives, nous en relevons dix, quant à l’état des pratiques des équipes en école et en établissement, mais aussi quant à l’apprentissage institutionnel entamé par les services et par les personnels concernés par cette approche nouvelle dans l’Education nationale.

10 tendances observées en expérimentation

Tendances en éducation et en formation

Variété requise des contenus

1- De l’innovation à l’expérimentation

2- D’une démarche militante à une logique professionnalisante

3- Du cercle des « initiés » aux réseaux des  « découvreurs ».

4- Du projet pédagogique classique aux problématiques sociétales.

Complexification progressive des organisations

5- Du cloisonnement à la souplesse

6 – Du métier prescrit au développement professionnel

7- De la gestion de classe à la recherche de l’efficacité scolaire.

Changement lent des pratiques institutionnelles

8- De l’analyse des méthodes à l’appréciation de la « performance ».

9- Du pilotage commandé à l’accompagnement concerté

10- D’une logique de « transfert » à l’élaboration de compétences collectives

Tableau des équipes suivies en innovation et en expérimentation

Est-ce bien « le temps » en éducation ?

Cette fin d’année, c’est l’opportunité, voire la nécessité, de s’intéresser à la définition des nouveaux emplois du temps de la rentrée: obligations de services, respect des horaires de formation pour les élèves, contraintes des lieux et des groupements. Pourtant, si chacun s’accorde à reconnaitre ces diverses points, il est toujours trés étonnant de constater la toute autant grande diversité dans les réponses des dispositifs élaborés, établissement par établissement. C’est donc qu’il y a une marge de manoeuvre certaine dans la confetcion des emplois du temps; et que manifestement, selon les cas, le « Nord » qui a servi de répère n’a pas toujours été le même. Tout le monde le sait, personne n’en parle.
Une information à la fois historique et d’une furieuse actualité ! Le « droit à l’expérimentation » inscrit dans l’article 34 de la Loi pour l’orientation de l’Ecole de 2005, et l’incitation forte désormais à « travailler autrement », faite par l’Institution elle-même, tant par la DGESCO, l’IGEN et les recteurs d’académie mettent les équipes de direction et d’enseignement devant des choix pédagogiques.

Non plus de simples projets, qui tout pédagogiques, restent intéressants en eux-mêmes, mais ils présentent la caractéristique de saturer le temps des acteurs et les organisations qui ne bougent pas pour autant. Pour peu, ils servent de caution pour un certain immobilisme des pratiques collectives. Mais des projets avec des « objets », comme dit Guy Berger, qui permettent à des équipes de faire évoluer tout ou partie de l’organisation du travail en établissement ; travailler sur le « temps mobile », des plages plus longues, des variétés de groupements accentuent les performances d’un établissement.

La forme du temps scolaire emporte le fond des pratiques enseignantes ! Par un paradoxe intéressant, une heure de cours, c’est trop long et pas assez: trop long pour un enseignement frontal, répété six fois dans la journée; trop court pour y installer une variété requise de formes de travail. Ainsi, en décompressant le cours sur une plage plus longue, on rend possible des phases d’enseignement, d’acquisition, d’appropriation individuelle et collective, de recherche et d’évaluation. Tout cela n’est pas nouveau en soi. Mais notre grande maison du Savoir semble être frappée d’amnésie professionnelle et de non-reconnaissance de l’expérience, ce qui dans d’autres milieux passerait pour une faute grave.

A l’occasion des travaux de mémoire, engagés avec André de Peretti, j’ai pu retrouvé une « pépite » en une VIDEO produite en 1987 par l’INRP et Aniko HUSTI, autrice du Temps mobile, en 1985. On y découvre des récits d’expériences réussies de temps mobile, de temps variables, à rythme parfois individuels, en Alsace, à Chalon, et… à Paris (Collège Braque, Lycée Bergson), des interventions d’enseignants, d’élèves, de parents. Les chefs d’établissement eux-mêmes, tableaux à l’appui, montrent la relative facilité de quelques dispositifs. Suivis d’entretiens avec Aniko Husti, Guy Berger et André de Peretti.

Vous pouvez visionner tout cela facilement sur l’internet (version rapide en flash) à partir de page http://francois.muller.free.fr/diversifier/index.htm ou plus directement sur http://francois.muller.free.fr/diversifier/TEMPS.htm

POUR ALLER PLUS LOIN

QUelques éléments d’analyse et d’actualisation des travaux de HUSTI en ligne à partir cette page

(extraits d’une publication « 1001 propositions pédagogiques », André de Peretti et François Muller, ESF, oct. 2008)

Retour sur la « pomme »: Magritte en éducation

Deux événements concommittents nous invitent à revenir sur le mystère de la « pomme » (verte) en l’occurrence.

Tout d’abord, nous avons lancé notre programme de séminaires et de formation de ce printemps sous l’égide de l’audace, avec une affiche trés visuelle et interrogative, pour certains retours: « OSER », en proposant neuf pommes pas toutes identiques. La polysémie du message est un excellent media pour ouvrir le dialogue.

D’autre, Bruxelles ouvre officiellement, enfin, le Musée Magritte; banque extraordinaire des oeuvres remarquables de ce peintre belge, étonnant dans le décalage qu’il a orchestre entre sa vie quotidienne et son oeuvre surréaliste et encore trés actuelle.

C’est pourquoi il est intéressant pour nous, éducateurs et formateurs, de revenir à la source de l’auteur; notamment, dans son écrit:

« Toute chose ne saurait exister sans son mystère. c’est d’ailleurs le propre de l’esprit que de savoir qu’il y a le mystère. (…) Une pomme, par exemple, fait poser des questions. (…) Dans un tableau récent, j’ai montré une pomme devant le visage d’un personnage.(…) du moins, elle lui cache le visage en partie. Eh bien là, il y a donc le visage apparent, la pomme qui cache le visage caché, le visage du personnage. c’est une chose qui a lieu sans cesse. chaque chose que nous voyons en cache une autre, nous désirons toujours voir ce qui est caché par ce que nous voyons. il y a un intérêt pour ce qui est caché et que le visible ne nous montre pas. cet intérêt peut prendre la forme d’un sentiment assez intense, une sorte de combat dirais-je entre le visible caché et le visible apparent  »
— Les mots et les imagesLa Révolution surréaliste.

Transposition méthodologique

« nous désirons toujours voir ce qui est caché par ce que nous voyons. »

C’est là un des principes qui pourraient nous animer d; ans nos travaux auprès des équipes en innovation/expérimentation; ce qui est donné à voir, les objets explicites, qu’ils soient de l’ordre de l’écrit, du discours, masquent la plupart des processus à l’oeuvre, qu’il s’agit de décoder, avec les acteurs, qui n’en sont pas toujours conscients: actualisation des organisations du travail collectif, élargissement du cadre de référence professionnel, élaboration d’une compétence collective, étape d’un management des connaissances, changement des paradigmes du métier d’enseignant, résolution de tensions qui traversent non seulement l’Ecole, mais aussi la Société. etc…

C’est pourquoi, de la même manière que l’oeuvre picturale de Magritte requiert les regards croisés des publics, la variété de son interprétation, de la même manière, les expérimentations en oeuvre dans nos écoles et établissements requièrent un accompagnement expert et externe; en retour, Magritte nous le signale: « cet intérêt peut prendre la forme d’un sentiment assez intense ». Les phases d’évaluation actuellement menées pour certaines équipes l’attestent, c’est intense, et trés formateur …. pour tout le monde.

Précision étymologique

Le mot « pomme » vient du latin pomum, mais ce dernier mot est un parfait exemple de faux-ami : en effet, en latin, la pomme est appelée malum (qui a donné mela en italien ou mar en roumain), tandis que pomum désigne n’importe quel fruit – Pomona est la déesse des fruits. Le mot « pomme » a remplacé malum car, d’une part, malum fait penser à malus, le mal, et d’autre part, la pomme demeure le fruit, le pomum, par excellence. L’usage du mot pomme pour désigner un fruit a d’ailleurs perduré longtemps, comme en témoignent les noms de pomme de terre, de pomme de jacque, pomme d’Orange (ancien nom de l’orange) ou de pomme de pin ou pomme cannelle.

En savoir plus sur l’univers physique et métaphorique, mais aussi culturelle et scientifique de la « pomme »

Evaluez, évaluez, il en restera toujours quelque chose; mais quoi ?

En ces temps d’examens nationaux, juin oblige, mais aussi d’évaluation des projets d’école, des bilans d’étape des expérimentations, d’attention portée (internationalement) aux résultats des élèves, il nous semble intéressant d’élargir notre réflexion à l’acte lui-même d’évaluation et aux pratiques (coutumières) qui s’y réfèrent.

Un principal de nos amis, ancien formateur par ailleurs, pensant à nous, lors de sa première année dans un collège très républicain dans la composition de son public scolaire, a entrepris de faire la recension de tous les actes d’évaluation, par la seule voie de la notation, qui faisait la performance (ou non) de son établissement, en vue d’un débat avec ses enseignants. Pour 18 classes de 26 élèves en moyenne, sur 36 semaines, quelques 15 disciplines présentes, il est parvenu à la somme de 90 000 notes. Etonnant, non ?

Une telle prolifération de notes monocordes semble répandue dans nos établissements, tellement que nous n’y prêtons plus attention (ou intérêt). Les pratiques de cette évaluation notatoire « vont de soi », elles s’imposent à nous plus que nous ne les imposons aux autres. Elles saturent de façon monotone  le temps scolaire, nos échanges et les propos de nos élèves. Et pourtant, nous sommes insatisfaits, nous ne sommes point en accord entre nous, nous constatons des discordances évidentes entre nos prétentions objectives tellement subjectives !. Assurément, nous avons tous besoin de travailler sérieusement sur la variété et la validité des modes, des pratiques et des ressources d’évaluation pour sortir des démesures de la notation.

Evaluer peut rendre fol !

De tels constats nous font toucher du doigt un conflit professionnel vécu par chacun d’entre nous, mais aussi éprouvé par notre institution, collège, lycée. Accumuler des « notes », en sur-abondance, et sans rétrospection atteste que nous cherchons toujours quelque part à nous rassurer. Nous agissons tels des chauve-souris qui dans l’obscurité émettent des faisceaux continus d’ultra-sons pour appréhender les réalités diverses qui se présentent à nous. Finalement, nous sommes aveugles ; nous nous privons,  ou pire, nous nous amputons d’autres « sens » ou techniques qui nous permettraient de mieux nous repérer.

Il nous faudrait faire ensemble la part entre la chimère de l’objectivité recherchée en évaluation et le paradoxe que l’évaluation n’existe que par la subjectivité. Il ne s’agit pas d’évacuer la subjectivité, mais plutôt de faire avec, en tout refus de l’arbitraire toujours endémique dans les opérations évaluatives.

Ainsi, nous pourrions par exemple nous appuyer sur les constats contrastés, contradictoires, de l’analyse faite par Jean Cardinet, en 2002, à a la suite celle de Jacques Weiss, en 1984 :

1- l’objectivité de l’évaluation est nécessaire : rendre plus explicite les objets et l’objectif de l’évaluation vaut tout autant pour l’évaluateur que pour l’évalué. C’est même une des conditions premières de l’évaluation.

2- L’objectivité de l’évaluation est souhaitée : car comment expliquer que des évaluations de mêmes réalités conduisent à des décisions différentes ? Les évaluations sont plus souvent rapportées à la personne qu’aux compétences.

3- L’objectivité de l’évaluation est impossible : malgré les programmes, les objectifs d’apprentissage sont différents selon les enseignants ; les performances évaluées sont différentes ; les conditions d’observation sont différentes ; les exigences sont différentes ; le sens de l’évaluation est différent selon les contextes.

4- L’objectivité de l’évaluation est à rejeter : une exhaustivité des critères, des indicateurs déboucherait sur une standardisation extrême : « le flou des échelles d’appréciation est le jeu de l’engrenage pour éviter que la machine ne se bloque » (Perrenoud, 1984)

Il importe, pour sortir de l’impasse, de consentir à :  se concentrer sur des instruments permettant une interprétation clinique, partager des banques d’items étalonnés, favoriser des portfolios, et… donner du sens à l’observation, ensemble mais subjectivement et en « méta-cognition » de nos procédures personnelles.

La subjectivité est nécessaire, si elle est prudente et réflexive.

Nous pouvons donc nous autoriser ensemble à réintroduire et travailler avec notre subjectivité ; non pour être « sujet » mais bien acteur et responsable de nos actes, « auteurs » même de supports favorisant la clarté.

En guise d’exergue, nous allons alors nous appuyer sur la  définition de J. M. de Ketele (1989) : évaluer implique :

recueillir un ensemble d’informations suffisamment pertinentes valides et fiables

examiner le degré d’adéquation entre cet ensemble d’informations et un ensemble de critères adéquats aux objectifs fixés au départ ou ajustés en cours de route

en vue de prendre une décision évaluative, il nous revient par suite de réfléchir sur :

1- le choix du type de décision et de l’objectif de l’évaluation

D’abord, identifier le type de décision qui pourrait être prise au terme de l’évaluation :

Soit :

Sanction positive o

Sanction d’attente  o

Sanction négative o

Ou bien :

éclaircissement   o

Encouragement o

Orientation o

Ou encore :

Certification o

Classement o

Sélection o

La détermination de l’objectif est souvent partagé, flou ou …subjectif.

En toute hypothèse, jetez un coup d’œil sur le « triangle des objectifs de  l’évaluation ».

TRIANGLE des objectifs de l’évaluation

Si vous aimez vous déplacer à deux dimensions sur un triangle, ne serait-ce même qu’une pyramide, vous pouvez aller jeter un coup d’œil sur le « triangle pyramidal » que nous vous proposons à propos des relations entre des objectifs multiples, se traduisant en fait non seulement d’évaluation et d’appréciation, mais de mesures, voire de certification, d’orientation.

A noter, en lisant bien ce triangle, que tout ce qui est en dessous des pointillés signifie des visées et des procédures qui peuvent être quotidiennes, en continuité ; avec patience et même insistance. Cependant, que ce qui est au dessus des pointillés, avec des mesures, des certifications, des classements, aboutissant par la notation à la sélection, n’a de sens qu’à terme : après un temps prolongé d’enseignement et de mesure  quotidienne d’évaluation.

Prenons appui sur le « socle commun »

Les compétences désignées pouvant être revues dans les pages qui suivent, notamment en ce qui peut inspirer notre façon de traiter la compétence dans la progression des élèves par des critères adéquats, des formes variées qui peuvent être d’inventaire,ou check-lists brèves, de questionnaires, de formes interrogatives aussi bien que dans la correction de copies demandées aux élèves dans les épreuves plus professionnelles, ainsi que dans les formes d’évaluation projective ou par tri.

La référence aux sept modes de présentation de l’évaluation peut permettre de traiter la variété des connaissances, capacités et attitudes citées dans la richesse du socle commun, en évitant le seul recours à une notation qui peut être abstraite sinon subjective, mal interprétable par les élèves.

La régulation des moyens pratiques consultables ci-après peut permettre de résoudre les difficultés d’harmonisation rencontrées dans la pratique lors de la mise en œuvre du « socle commun ».. Des difficultés tenant souvent à la disparité des profils d’élèves, mais aussi des potentiels identifiés, enfin des possibilités offertes, éventuellement attrayantes,  des disciplines. Par exemple, se satisfaire de connaissances en vocabulaire (domaine 1), l’un se satisfait de 100 alors que l’autre de plusieurs centaines. Ou peut-il y avoir entre plusieurs enseignants une idée du socle qui pour certains se limitent à une centaine et pour d’autres estiment à plusieurs centaines ; en évaluation opératoirement différenciée.

Par la référence pratique et concrète, le risque d’excès et d’écarts dans l’application des données du socle aux élèves -réduire à l’optimum l’ensemble des exigences cognitives et actives –  peut être conjuré d’une façon positive : en vu d’être accordé à chaque enseignant, à chaque discipline, mais aussi à chaque élève.

Avant de regarder du côté des exigences requises et des moyens concrets pour les atteindre, il peut être juste, au préalable, de réfléchir aux choix des critères et des indicateurs qu’il nous faut mettre en œuvre, selon les possibilités et de situations, et de voies d’évolution.

Inventaire des possibilités de situations et de voies d’évaluation

Il est intéressant pour chaque enseignant de prendre connaissance, en un parcours rapide ou en s’attardant parfois, de cet inventaire  (en forme de « clavier »)  afin de saisir la multiplicité des situations ou voies d’évaluation qu’il peut emprunter ;   nous pourrions ainsi éviter l’usure et la réduction consécutives à l’emploi de modalités trop habituelles.

Cet inventaire peut aussi attirer l’attention sur la pluralité des variables dont le professeur peut être tenté d’apprécier l’intensité ou l’émergence dans la voie ou situation choisie ou à choisir, inédit ou oublié, selon des critères et des stratégies adaptées sur lesquels nous reviendrons.

Bonne chance et bon choix ! Profitez des bonnes occasions et cochez doctement !

Quelle que soient les modalités concrètes que nous choisissons de mettre en œuvre, il nous faudra également réfléchir sur les choix des critères, des indicateurs et des stratégies, ainsi que l’adéquation entre indicateurs et critères adoptés.

Le choix des critères

Les critères d’appréciation de paliers ou de résultats atteints dans l’acquisition des connaissances, des capacités, des savoir-faire, d’attitudes dans l’activité scolaire  peuvent être selon les cas et les objectifs de :

Clarté  o

Exactitude o

Soins o

Conformité o

Efficacité o

Efficience par rapport aux moyens o

Pertinence o

Cohérence o

Adhésion aux valeurs o

Originalité  o

Il est opportun de pouvoir renouveler nos choix nécessaires sur quelques critères non standards, selon quelques précautions, à condition qu’il soit :

xpertinents

xindépendants les uns des autres

xpeu nombreux pour être réalisables

xpondérés

Le choix des critères, adapté à chaque travail d’élève, participe du processus d’évaluation (et non de contrôle), phase délicate et difficile, toujours subjective pour l’enseignant.

Le choix des indicateurs

Pour fixer à quels degrés d’intensité ou de qualité les critères sont atteints, l’évaluateur doit disposer de quelques indicateurs, dont l’application sur :

xles faits, à constater

xles représentations

offrira des indications quantitatives (du genre %) ou qualitatives (du genre platonique bien, bon, juste, vrai , mais aussi passable)

Le choix de la stratégie

Nous pensons pouvoir seulement évaluer par des devoirs, des interrogations et des contrôles. Mais il importe de pouvoir enrichir nos façons de faire grâce à une variété de méthodes de recueil d’informations : interview,  sur questionnaires, par étude documentaire, par observation, sur des graphiques ou tris, par métaphores ou significations. On pourra tapoter sur le « clavier » ou inventaire des instruments d’évaluation.

Il faut bien sûr d’abord s’assurer de la validité et de la fiabilité de la stratégie à l’objectif visé et aux personnes concernées.

Enfin, un retour sur l’examen de l’adéquation entre indicateurs et critères. La question du sens au terme de l’évaluation exprimée. En celle-ci, l’évaluateur donne du sens au processus (comme le juge devant des faits similaires) ; et il le fait dans la conscience responsable de la subjective. Comme on vient de le voir, la subjective implique des prises de choix, obtenus et exprimés dans la clarté, mais en « loyale subjectivité ». Et c’est parce qu’il y a subjectivité qu’on peut alors parler d’évaluation.

Reconnaissons que le  problème de la plupart des évaluations n’est pas leur subjectivité, mais le flou dans lequel elles se déroulent. Soyons clairs et éclaircissons, mais en nous gardant d’être péremptoires et définitifs. Nous ne faisons pas de jugement.  Nous donnons des indications de repérage et des stimulations positives.

Et souvenons-nous, avec Charles HADJI, que l’évaluateur est un tisserand funambule[1] :

o capable de juger ce qu’il est et ce qu’il fait, avec une distanciation critique à l’égard de la réalité

o mais incapable de connaître exhaustivement la réalité et d’en prévoir l’évolution avec certitude

o c’est un choix et un pari : il est acteur dans cette dynamique évolutive ; un pari en ce qu’il peut concevoir un état des choses meilleur.

Il est tisserand, parce qu’il met en lien. Et il tisse d’abord un message accessible, palpable et lisible pour qui le reçoit.

Mais il est funambule : se mouvoir dans un espace entre un être en mouvement et un devoir-être difficile à cerner, en chaque élève, en chaque classe, en chaque amphi !

C’est quoi, innover, aujourd’hui ?

Telérama du 6 juin 2009 nous propose quelques interviews et enquêtes qui me semblent réduire l’innovation à la dimension technologique et industrielle; même quand l’article s’attache au monde de l’Education, il est facile et réducteur d’aller vers le « visible », et forcément l’attrait des tice.

Faudrait-il rappeler que le nouveau n’est pas innovant, sans jeu de mots facile; que beaucoup d’inventions ne produisent aucune innovation (dixit Bernard Stiegler de l’IRI, Centre Beaubourg).

Il poursuit de la sorte : » . Aujourd’hui, de plus en plus de contributeurs créent une valeur qui ne s’évalue pas sur le marché mais permet aux autres activités économiques de se développer. Cette « pollinisation » doit être rémunérée et mutualisée ».

C’est un peu que ce que le réseau de l’innovation s’attache à rendre visible.

En savoir plus sur le concept d’innovation sur la page du site de Paris

En guise de complément ou de réponse à Stiegler, je reprendrai bien la conclusion de nos collègues du Centre Savary, lors d’un séminaire académique à Bordeaux en fin 2008:

c’est une affaire professionnelle collective et que dans tout processus de changement, Il faut faire de la place
– au temps (on ne se transforme pas du jour au lendemain !)
– à la créativité et à l’intelligence collective (à la hauteur des défis posés par l’accès aux savoirs et par le développement des compétences dans notre société)
– à la stratégie (il ne faut pas se lancer à corps perdu dans la première solution venue, il faut savoir « perdre » du temps pour en gagner ensuite, bien analyser la situation de départ, prendre la mesure des ressources et des contraintes, être à la fois ambitieux et réaliste, etc.)
– à la prise en compte des différences (on ne peut pas rester entre soi et travailler uniquement avec ceux qui pensent comme nous)
– à la confiance (confiance en soi, confiance dans les possibilités de réussite des élèves, confiance dans la capacité d’action des autres acteurs éducatifs)
– à la solidarité et à la recherche de cohérence (il est important de pouvoir compter sur chacun ! Il est nécessaire de tisser des liens entre les personnes mais aussi entre les dispositifs et les niveaux d’enseignement)
– à l’ouverture (les solutions éducatives sont à la fois scolaires et sociales)
– à l’éthique (quand on bouge les points d’ancrage, la référence aux valeurs sociales et professionnelles est vitale)
Il est indispensable de ne pas en faire un enjeu personnel. Il faut à la fois s’engager professionnellement et se protéger personnellement. Il est important d’être vigilant par rapport aux risques de culpabilisation, d’agression et de dévalorisation.
C’est pour toutes ces raisons qu’il est important de se situer dans un système en mouvement avec une pluralité d’acteurs ayant tout naturellement des conceptions, des logiques d’action et des postures professionnelles différentes. C’est un système complexe dans lequel il faut apprendre à naviguer de manière professionnelle, avec
le plus d’objectivité possible et des outils d’analyse.
Tout cela aide à sortir de la densité humaine des situations singulières, rend possible les débats et crée les conditions pour mieux réfléchir et agir ensemble. C’est probablement une des clés du développement professionnel des acteurs de l’éducation.
Et puis surtout, prenez du plaisir à naviguer dans la complexité ! C’est un gage d’efficacité. (si, si).