La pyramide des besoins humains

la-pyramide-des-besoins-humainsQuel point commun y a-t-il entre un jeune collégien S.D.F. et un jeu de télé-réalité ? A priori, aucun. Marginalité et glamour ne vont pas de pair, et pourtant, c’est précisément le sujet d’un roman de Caroline Solé intitulé La pyramide des besoins humains (2015, L’école des loisirs).

Un roman donc, à partager avec nos élèves de 3e, aux thèmes universels et très actuels, à propos duquel je glisse deux-trois mots, sans spoiler… j’espère !

Le point de départ : une théorie de Maslow

Tout commence avec cette fameuse pyramide qui évoque à Christopher, le personnage principal et narrateur de ce roman initiatique, « une sorte de guimauve » à cause du nom de son théoricien : Maslow (je vous laisse deviner pourquoi !). Dans les années 1940, ce psychologue élabore une hiérarchisation des besoins humains, qu’il classe en cinq catégories : « besoins physiologiques, de sécurité, d’amour, de reconnaissance et de réalisation ».

Pyramide_des_besoins_selon_Abraham_MaslowSource: Par Antimuonium — Travail personnel, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=31864116

C’est dans le premier chapitre « Règle du jeu », sorte de préambule dans lequel Christopher révèle sa participation au jeu et la célébrité qui va en découler, que le lecteur apprend que raconter son histoire lui permettra de « renverser le destin ». Notre curiosité est en éveil : comment ne pas se demander par quelles circonstances extraordinaires un adolescent fugueur et sans-abri va se retrouver héros d’un jeu de télé-réalité ?

Un sans-abri dans un reality show

Premier thème accrocheur pour nos ados : la télé-réalité. Un concept inédit mais réaliste : le participant doit prouver qu’il satisfait les besoins de la pyramide, l’un après l’autre, du bas, vers le haut. Pour cela, rien de plus simple : quelques clics et un paragraphe à rédiger.

Simple, oui, mais pour Christopher, S.D.F. depuis un an ? Le récit de l’adolescent est en fait un flash-back. L’histoire d’un gosse qui prend un train un jour et se retrouve à Chinatown, un jour pluvieux. Bien sûr, il a de bonnes raisons de le prendre, ce train, et ce n’est pas celle qu’il avance : « échapper à un contrôle de maths ! » Un an plus tard, le voilà qui participe à ce fameux jeu, presque par hasard, parce que « l’inscription était gratuite ». De quoi ne pas se méfier…

Deuxième sujet de réflexion : la popularité sur les réseaux, l’image, les technologies qui nous éloignent au lieu de nous rapprocher. Pour gagner « La pyramide des besoins humains », il FAUT être populaire, les gens votent, élisent le gagnant. Second paradoxe pour Christopher : peut-on être populaire ET sans-abri ? Le regard du jeune garçon sur les habitudes technologiques est acerbe et vrai. Dans la rue, on est invisible. Et pourtant…

Qui est « je » ?

Mais la vie dans la rue, la télé-réalité sont avant tout le prétexte pour parler de soi. Il y a un million de raisons de lire ce livre avec des élèves. Christopher évoque tour à tour un contexte familial difficile, avec nostalgie parfois, mais sans aucune perspective de retour ; la quête d’une identité et la perte des repères. Christopher est un garçon qui cherche à trouver dans un jeu quelque chose dont il n’a pas conscience lui-même.

L’école est aussi évoquée à la manière d’un tableau impressionniste : « Mais où est donc Ornicar ? Incroyable que cette phrase me revienne maintenant… » Christopher est un élève rêveur, qui crayonne des cactus sur son cahier. Sauf que, dans sa tête, c’est plutôt « Mais où est donc Christopher ? » Personne à l’école pour s’intéresser à lui. Alors il saura trouver dans la rue les appuis nécessaires pour combler son besoin de sécurité. C’est parmi les invisibles que Christopher se révélera.

Et des identités, il s’en rêve des dizaines, sous les étoiles : tantôt cow-boy de Far West, tantôt écrivain d’un roman dont la couverture serait « blanche, sans image » de lui.

TOUT dans ce roman converge vers l’identité, les identités, l’absence d’identité.

Pour qui ? Pour faire quoi ?

La pyramide des besoins humains est un roman qui s’adresse à tous, du fait des thèmes universels qu’il aborde. Le point de vue de Christopher offre un accès aisé au texte. Au collège, il me semble qu’on pourrait le proposer dès la quatrième, en lecture cursive ou en classe, mais surtout en troisième, en lien avec la problématique « Se chercher, se construire ».

Un support pour faire quoi ? Aucune limite, hormis celle que l’on s’impose : des activités orales comme le débat (les réseaux sociaux, la télé-réalité, les normes sociales, l’identité, les besoins…), des activités écrites (sujets de réflexion bien sûr mais aussi d’imagination), des ateliers théâtraux (transposition d’un passage du roman en scène de théâtre).

« À vous de jouer désormais. » J’attends vos retours avec impatience !

(Et merci Karine, quelle belle découverte que ce petit roman !)

Une chronique de Marine Vendrisse

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