Les profs complices !

Au hasard du Net, je suis tombé sur l’article de Jean-Paul Brighelli « Les fossoyeurs de l’école démasqués », qui critique l’ouvrage de Carole Barjon Mais qui sont les assassins de l’école ? (Robert Laffont).

fossoyeur

Piqué par la curiosité, je me lance dans une lecture qui semble fort croustillante. Quelle ne fut pas ma surprise de tomber sur une liste avec photographies (ne manque que l’adresse !) et surtout ce paragraphe :

Retenez bien tous ces noms : un vrai gouvernement de salut public, comme en 1793, serait bien avisé de leur demander des comptes. Parce que ce n’est pas seulement l’école qu’ils ont assassinée, c’est la France – et cela s’appelle de la haute trahison. Quant à celles et ceux qui se sont opposés à eux depuis trente ans… Tous réacs ! Fachos, même !

Comme je suis un peu historien, je sais qu’en 1793, c’est Louisette qui réglait les comptes. Pourquoi donc tant de violence ? Pourquoi en appeler ainsi au rasoir national 1 ? D’où vient cette haine ? De la réforme de l’orthographe instituée par l’Académie française ? Non. De la réforme de l’école, un complot ourdi par les pédagogistes.
Fantastique ! Appel au meurtre, théorie du complot, tout est là. Et cerise sur le gâteau, les profs sont complices puisqu’en bons fonctionnaires, ils appliquent la politique décidée par le gouvernement et ne peuvent pas la critiquer, devoir de réserve oblige.

La pelle des pédagogistes

Puisqu’à l’insu de mon plein gré, je suis la pelle des pédagogistes, j’ai décidé de creuser un peu l’affaire.
J’ai donc lu avec attention la chronique de Didier Jodin, « Le pédagogiste, symbole de l’égarement intellectuel qui a guidé la réforme du collège ».
J’ai donc appris que le pédagogiste était un technophile qui ne jurait que par la classe inversée et les cartes mentales. Qu’un de ses principes était de ne surtout pas apporter d’éléments de culture tant que l’apprenant ne demandait rien (Ah Ah ! Ignoti nulla cupido, comme disait Ovide !). Je raccourcis un peu, mais, ce faisant, je reste dans l’esprit de ce débat.
En fait, ce serait la bataille d’Hernani du moment, une querelle entre Anciens et Modernes. Rien de bien nouveau, donc. Mais alors, pourquoi cette grande violence ? Serait-ce le combat des Luddistes contre les technophiles ? Le retour du refoulé ? Était-ce vraiment mieux il y a trente ans (à l’école) ?
Mais au fait, que trouvait-on dans les écoles, il y a trente ans ? Des élèves ! Les mêmes qu’aujourd’hui ? Bien sûr ! Avec une petite différence, cependant. Ils regardaient des mauvais dessins animés, mal animés et japonais. Alors qu’aujourd’hui, ils ne les regardent plus. Ils regardent leur télé écran plat, leur console de poche ou de salon. Leur téléphone ou leur smartphone. En replay, en parallèle avec les copains pour pouvoir commenter en direct. En fait, ils sont pareils sauf qu’ils ne savent presque plus ce qu’est un livre, ce qu’est l’ennui ou même le fait de sonner à une porte et de parler à un adulte (le SMS, c’est cool !). Et moi qui fus élevé au livre, à l’ennui, je constate que je ne pense pas comme ces jeunes gens. Je repense à mon professeur qui nous considérait un peu comme des crétins lorsqu’on ânonnait du Tite-Live. Je ne suis pas persuadé que les gadgets des pédagogistes et les idées de la rue de Grenelle soient la panacée. Mais je suis certain qu’on ne peut plus enseigner comme il y a trente ans.

Une chronique de Philippe Crémieu-Alcan

Note :

  1. Ce sont quelques-uns des surnoms de la guillotine.

3 réponses

    1. Brighelli a certainement du courage (mais qu’importe ici, finalement). Pour ce qui est de la VERITE (je vous cite), je vous invite à relire cet article : Boyer Alain, « Schlick et Popper. Signification et vérité », Les Études philosophiques, 3/2001 (n° 58), p. 349-370. Idées et émotions, ce sont deux choses différentes, me semble-t-il.

Laisser un commentaire

buy windows 11 pro test ediyorum