La parole au copilote

Bonjour, ici votre commandant de bord. Nous sommes le 18 janvier 2017 et la météo est bonne. Notre vol devrait s’effectuer sans le moindre problème. Je passe maintenant la parole à mon copilote.

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[Petit retour en arrière]

Cette idée, je l’ai un peu volée aux profs de langue. Enfin, « volée ». Je suis un peu prof de langue moi aussi, non? Je me la suis donc appropriée. L’idée d’un petit rituel de début d’heure, non plus géré par moi, comme c’était le cas jusqu’à présent, mais par un élève. Et comme je ne pouvais pas leur demander l’équivalent de « what’s the date today ? » ou « what’s the weather like today ? » en français – un peu léger – , j’ai cogité.
Il m’aura fallu un temps certain pour passer de l’idée (qui a germé dans ma tête cet été, au fin fond du Jura !) à sa réalisation dans la douce chaleur de ma salle de classe (à la rentrée de la Toussaint, radiateurs à fond).
Et ce qui m’a bloquée un bon moment, figurez-vous, c’est le nom.
Il me fallait un nom accrocheur.
Qui donne envie !
Si j’avais été prof d’anglais, ça aurait été « teaching assistant ». Mais en français, c’est nul : « assistant du prof ». Qui voudrait être assistant du prof ??
Personne. Nul.
Bref. En bonne prof de Lettres Modernes que je suis, je me suis donc tournée vers mon petit dictionnaire des synonymes  (Sur internet. Lettres Modernes, j’ai dit.). J’ai farfouillé, farfouillé, hésité.
« Président de classe » ? Trop pompeux.
« Leader » ? Trop politique.
Le « guide » ? Trop Che Guevara.
Sous Caporal ? Euh…
Jusqu’à ce que je rencontre le mot parfait : « copilote ».
Un copilote ! C’était exactement le mot qu’il me fallait. On retrouvait l’idée d’aide qu’on a dans teaching assistant mais sans la connotation péjorative du mot « assistant » en français. Et dans « copilote », il y a « pilote ». D’avion, évidemment. Avec uniforme et casquette… Le rêve.
Un copilote, c’est classe. Et, cerise sur le cupcake : le pilote, c’est moi. (Double classe !)

Le rôle du copilote

Bien, le pilote, comme chacun sait, pilote : il fait cours. De français, dans mon cas.
Alors que fait le copilote?
Chaque semaine, chacune de mes classes a un copilote. Pour l’instant, on tourne avec les volontaires. Puis, ce sera tirage au sort. C’est donc le copilote qui se charge du rituel de début d’heure, qui s’articule autour de trois questions fondamentales (initialement, mais c’est en train d’évoluer) :

  1. Qu’avons nous fait lors de la dernière séance?
  2. Qu’avions-nous comme devoirs pour aujourd’hui?
  3. Avez-vous des questions?

Cette liste est en train d’évoluer, car en fait, la question 3 ne sert pas à grand chose : le but de ce rituel est que les élèves se débrouillent sans moi, et en général, si question il y a, c’est une question un peu nulle du genre « Madaaaaame? Vous allez nous rendre nos dictééées ? » qui m’oblige à intervenir et à reprendre ma place de pilote.

Or, ce rituel, il est là, justement, pour me dégager du temps ! Tout en écoutant d’une oreille ce qui se passe, je peux ouvrir Pronote, cocher les absents, vérifier les carnets de ceux qui ont une signature à me montrer…

Côté élève, ce rôle de copilote est un excellent moyen de pratiquer l’oral : s’adresser à un groupe, prendre la parole seul, gérer le temps de parole de ses camarades, être capable de formuler des questions claires et précises, savoir rebondir sur une réponse pour approfondir… Et toutes ces compétences font l’objet d’une évaluation, qui compte dans leur moyenne.

Côté groupe classe, ce temps est aussi un moyen de raccrocher ceux qui étaient absents la dernière fois, ou qui ont « oublié » de relire la leçon. Selon les séquences, je demande parfois à mes copilotes de poser des questions sur le point de grammaire en cours d’étude. Enfin, cela contribue aussi à une meilleure écoute entre eux. Et ça, c’est précieux ! (Mais pas gagné !)

Voila. Je n’ai pas encore beaucoup de recul, mais globalement ça marche bien. Pour le moment, je fonctionne uniquement avec des volontaires, alors je reviendrai peut-être vous faire un petit bilan au printemps prochain, quand les plus timides seront passés, pour vous raconter leur métamorphose… ou pas !

 

Une chronique de Cécile Thivolle

6 réponses

    1. Merci ! : )
      Quelle coïncidence de vous retrouver ici ! Je viens de découvrir votre blog via la newsletter de l’école démocratique qui a relayé l’article que vous avez écrit sur eux. J’aime beaucoup votre style : )
      Je vais moi aussi aller en immersion chez eux, pour une semaine, en février. J’ai hâte !

  1. Dans le fond c’est une excellente idée pour favoriser la prise de parole mais dans la forme c’est fourvoyer les élèves sur le rôle d’un co-pilote dans un avion. Car pour tous ceux qui deviendront pilote de ligne, ils constateront très vite que le co-pilote a absolument les mêmes compétences et responsabilités techniques que le commandant de bord (et pilote tout autant que ce dernier (ce qui n’est pas le cas pour l’élève, Cécile). Alors moi, je plaide plutôt pour la notion « d’adjoint ».

    1. Bonjour Gudrun,
      Tu as tout à fait raison de dire qu’un copilote a autant de boulot qu’un commandant de bord. Cela dit, mon but a moi n’était pas de faire une étude comparative des tâches qui incombent au pilote ou au copilote, à vrai dire : je ne suis pas conseillère d’orientation !
      C’est juste que si tu demandes à un panel de 50 enfants « qu’est ce qui vous fait le plus rêver? Être adjoint ou copilote? », je gage qu’ils répondront majoritairement « copilote » : )
      Je suis prof de français, j’ai choisi le mot plus pour les images qu’il dégage que pour sa réelle signification dans le cockpit : )

  2. Merci de ton commentaire Jacques ! Tu as tout à fait raison : le programme n »est pas l’essentiel, il y a des choses très importantes à apprendre qui ne sont pas au programme … : )

  3. Bonjour Cécile,

    Co-pilote! Excellente idée! Tu te creuses la tête pour que ça marche avec tes élèves et ça doit marcher.Ce qui est essentiel avec des gamins, c’est de les surprendre. De leur montrer que la classe peut se dérouler autrement. Monsieur Mathieu a fondé toute sa pédagogie sur les jeux. Il a raison.Ca marche, les gamins se régalent et lui aussi.
    Avant toute chose, il faut que tu te régales. La notion de PLAISIR est essentielle dans notre beau mais difficile métier.
    Et le PROGRAMME? Ce n’est pas le plus important.

    Je te souhaite plein de bonnes choses avec tes élèves.

    A bientôt le plaisir de lire tes chroniques.

    jacques san.

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