Du CAP au BTS

Dans le lycée où j’enseigne, les classes vont du CAP au Diplôme de Technicien (DT), en passant par des bac pro et bac techno, et il y a également plusieurs BTS, dont certains au recrutement assez pointu.

Ainsi, un élève peut entrer en CAP Podo-orthèse ou Ortho-prothèse, poursuivre en préparant un DT et, par la suite, postuler pour un BTS.

Certains de nos élèves passent ainsi 7 ans dans nos locaux.

cap-orthèse

De la rébellion à l’acceptation

Lorsqu’un élève entre en CAP, c’est rarement un choix volontaire. La plupart des collégiens espèrent jusqu’au bout qu’on les laissera passer en lycée général.

De ce fait, les élèves qui entrent en CAP nous font ressentir au quotidien qu’ils n’ont pas choisi d’être là. Que la société a décidé pour eux.

Malgré tout, en découvrant les salles d’ateliers, où l’enseignement ne se fait que rarement assis à sa place, en réalisant qu’en CAP il n’est plus si souvent en échec que dans l’enseignement général, il arrive qu’un « adolescent difficile » décide, à un certain moment, de redevenir acteur de sa scolarité.

Oh je vous rassure, la révélation n’est pas du tout du tout immédiate la plupart du temps !

Le plus souvent, il y a des heurts, des sanctions, des commissions éducatives, et même des conseils de discipline qui jalonnent les deux années de CAP !

Il y a des profs qui craquent, qui ne supportent plus le désordre de la classe qui n’en est pas vraiment une ; et on passe pour la plupart d’entre nous par des moments où l’on se sent totalement impuissant à faire quelque chose de constructif avec ces jeunes qui refusent d’être des élèves, et qui font parfois des choix destructeurs, participant à un « auto-sabotage de leurs potentialités »[1].

Et une année passe puis la deuxième…

Il y a des vrais moments d’émotion lorsque certains viennent nous confier leurs soucis – parfois terribles… Comment songer à faire un travail scolaire à la maison quand il n’y a pas de maison ? Qu’on est un mineur isolé, ou dans une famille disloquée… Ils nous confient leurs amours, leurs déboires, leurs craintes… Et on apprend à pratiquer le « faire avec »[2].

Et les deux ans se passent en alternant moments d’échanges et moments de colère, moments de lassitude et d’envie de baisser les bras devant nos classes difficiles si souvent…

Puis le CAP passé, avec succès très souvent, plusieurs obtiennent leur passage en DT. Ce ne sera pas facile pour eux car il y a un grand saut de niveau et ils se retrouvent alors avec des élèves qui sortent de seconde générale ou de première, ou qui sont même parfois titulaires d’un bac général ou technologique… Certains baissent les bras, d’autres s’accrochent et commencent à entrevoir le plaisir d’apprendre… [3] Ils font des progrès considérables et ils augmentent leur estime d’eux-mêmes…

À tel point qu’une minorité d’entre eux obtient à la fin du DT un passage en BTS.

De nouveau, c’est la lutte pour suivre lorsqu’ils se retrouvent avec des étudiants titulaires d’un bac S. Mais ceux qui ont fait ce long parcours s’accrochent et, à leur demande, on met en place pour eux des heures de soutien.

Et c’est ainsi que chaque année parmi les lauréats de BTS on retrouve une poignée de ceux qui nous avaient tellement énervés en CAP ! Quelle victoire pour eux et pour nous qu’ils ne restent pas les mêmes pour toujours !

Une chronique de Marine Cat

[1] Philippe Jeammet, Paradoxes et dépendances à l’adolescence, yakapa.be, Bruxelles, 2014.

[2] Michel Botbol, Anita Remaud, François Camus, « Le faire avec », Les Cahiers dynamiques, n°42, 2008.

[3] Philippe Meirieu, Le plaisir d’apprendre, « Manifeste », éd. Autrement, Paris, 2014.

 

Une réponse

  1. Merci Marine 🙂
    C’est souvent aussi eux qui nous apprennent et nous donnent des leçons de vie et de courage.
    Rien n’est jamais perdu si tant est qu’on trouve les bons appuis pour se construire. Ça s’appelle la résilience je crois (Boris Cyrulnik) et notre bienveillance peut y contribuer modestement.
    Bon courage donc à tous, enseignants comme enseignés !

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