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Enseigner repose sur un contrat symbolique entre un apprenant et un enseignant. Il consiste pour l’enseignant à installer la confiance, à créer une atmosphère paisible et sécurisée. Au sein de la classe, l’élève doit savoir qu’il peut se tromper, mais aussi qu’il peut parfois se laisser aller. Son travail, ses essais, ses erreurs sont encouragés et il ne récolte que des encouragements, des conseils et non des moqueries, des lazzi (1).

Certes, le mode d’enseignement a changé. On trouve beaucoup moins de disciples à qui donner le savoir, au cours de promenades. Désormais révolu, également, le temps où les chères têtes blondes, avides de savoir, gobaient vos paroles. Les futurs maîtres, les futurs égaux intellectuels sont beaucoup plus rares dans les classes du collège.

Aujourd’hui, collège unique et collège de masse obligent, on enseigne pour tous. Il devient nécessaire de penser l’enseignement, non pour ses (futurs) pairs, mais pour des esprits fonctionnant radicalement différemment. D’autant que ceux que l’institution avait pris l’habitude de glisser sous le tapis, sont aujourd’hui toujours présents. Et, tout autant qu’hier, ils sont toujours mécontents d’être là. Euphémisme pour dire que les enseignants sont plus las devant ces apprenants.

Les têtes blondes sont plus revêches, ne maîtrisent pas toujours les outils de base pour travailler. Le contrat pédagogique est d’autant plus nécessaire pour les rasséréner. Seulement, les parents, hier radicalement exclus de l’institution (ce qui était une erreur), sont aujourd’hui très intrusifs. Comme ils sont allés à l’école, ils savent ce qu’il faut faire. Parce que, Monsieur, enseigner, ce n’est pas un vrai métier. C’est comme barman. Un barman remplit des verres, un professeur fait copier des leçons avant de les faire réciter. Alors, les parents, légitimement inquiets pour l’avenir de leurs bambins, légitimement persuadés que la réussite passe par l’école, dictent une pratique qu’ils jugent légitime. Ils veulent retrouver dans les cahiers de leur enfant les traces rassurantes des cours qu’ils ont reçus une vingtaine d’années plus tôt. Sauf que, faute d’avoir élevé leur enfant comme ils ont été élevés, cela ne fonctionne plus. Télévision à gogo, jeux vidéo, internet et téléphone portable sont passés par là…

Seulement, la demande sociale exige davantage de savoir pratique que de savoir théorique. Savoir-faire, savoir-être, travail de groupe, résolution de problèmes et j’en passe, sont devenus des attentes fortes et se cachent derrière le fourre-tout « compétence » comme derrière le « socle commun ».

C’est là que la capsule intervient : évacuer de la classe les éléments qui n’exigent aucune technicité comme copier un titre, souligner un indice. Découvrir un contenu (c’est la lecture en commun) peut également être écarté. Dans la classe pacifiée, le temps est occupé à s’entraîner, à essayer des solutions. Les élèves plus autonomes travaillent seuls, le professeur peut consacrer plus de temps aux autres. Un tutorat spontané s’organise entre élèves, entre pairs. Confiance, amour des autres (et donc estime de soi), sociabilité et plaisir à être ensemble, dans la diversité.

Dithyrambe, ingénuité, voire infantilisme ? Monument dressé aux Bisounours ?

Vous devez avoir raison quelque part car le contrat pédagogique ne peut se mettre en place que si tous les acteurs sont d’accord pour le signer. Il se fonde sur un pacte de vérité et d’honnêteté, de confiance. Or, une nouvelle pratique se fait jour dans l’Institution, comme dans la société. Ne plus dire non. Ne plus rien refuser. Frustrer, c’est pas bien ! On ne dit plus non aux enfants quand on est un parent. Et dans l’Éducation Nationale, les collègues, les supérieurs hiérarchiques ne répondent plus. Courriel sans réponse doit être traduit par refus ou rejet. Mais ne vous inquiétez pas. On reste poli avec la formule « Je reviens vers vous très vite ». Il y a également le drame de l’internet : les courriels qui se perdent !

Allez, à partir de demain, je ne dis plus jamais non aux élèves, j’arrête de leur mettre une mauvaise note. Bon, pour les notes, cela fait longtemps que j’ai cessé car rien n’est plus angoissant ni paralysant que risquer une mauvaise note. Quoique, ne pas avoir de réponse…

(1) : La pratique n’est pas restreinte à l’école, mais doit s’épanouir dans toute situation de formation, y compris entre adultes.

Une chronique de Philippe Crémieu-Alcan

Une réponse

  1. Contrat pédagogique ? Je comprends votre lassitude mais…
    Quand vous dites, <>, vous voulez sans doute dire « davantage de CONCRET, de CAS, de SITUATIONS qui posent problème que de théorie, que de généralités abstraites ?
    Alors le constat est-il ainsi bien posé ? Car
    Est -il question de quantité (davantage ) ? Ou bien est-il question de pratiques pédagogiques pour conduire la classe, les groupes, les débats, les exercices, les expériences en laboratoire, ou encore pour débloquer un mutisme, pour récupérer un élève décrocheur ?
    Est-il question de continuer la démarche logique DEDUCTIVE, issue du cours magistral, en face des générations TICE et GEEK habituée à tâtonner pour trouver, choisir, échanger, imaginer ? C’est à dire dirigée du haut (professeur =celui qui sait) vers le bas (élève= celui qui ne sait pas donc celui qui doit apprendre par coeur pour utiliser ensuite) : il sait (depuis la leçon, du moins s’il l’a apprise) qu’il doit faire de telle façon, alors, il applique règle, théorie ou méthode, sans savoir le chemin parcouru par l’humanité qui l’a précédé pour en arriver à ce savoir-là, et sans comprendre vraiment l’importance du savoir acquis par l’humanité, juste pour avoir la paix avec les adultes, pour gagner des points, un jury d’oral, le Baccalauréat. La finalité scolaire étant alors de pré-formater les esprits pour produire une élite adaptée à un système que l’on veut perpétuer mais qui rejette et domine la majorité.
    Est-il question d’inverser la démarche, de pratiquer la logique INDUCTIVE, qui enseigne à observer attentivement de façon personnelle et oblige à s’interroger devant une documentation, un phénomène scientifique ou d’une autre nature, c’est-à-dire une réalité dont il faut trouver à quelle théorie elle corresponde, quelle théorie elle applique : chercher les indices, parfois des évidences, des données déjà connues donc à reconnaître, les mettre en relation pour dégager des idées puis vérifier la pertinence des faits relevés et leur cohérence d’ensemble : ce que je vois, est-ce suffisant pour conclure ? N’ai-je pas négligé un aspect significatif ? Comment vérifier le(s) sens possible(s) ? Le(s)quel(s) peut-on confirmer comme idée(s) majeure(s) d’une époque, d’une découverte, d’un principe, d’une théorie ? La finalité scolaire devient ainsi la formation à l’esprit critique qui est de nature scientifique et philosophique, maintenant aussi de nature technologique avec les modélisations, dans la tradition des Lumières, en vue de produire des citoyens responsables de leur autonomie, conscients de leurs possibilités à construire leur propre vie et capables d’agir pour l’avenir commun. Dans l’optique réellement républicaine, fondée sur la liberté donnée et assumée pour s’émanciper des dogmes, préjugés et idéologies meurtrières du passé qui hantent encore et à nouveau les peuples.
    Donc il va de soi que les SITUATIONS ou CAS sont plus nombreux à étudier que les théories !
    Exemples :
    CM1-CM2: Données chiffrées dans un énoncé de problème en maths, quoi calculer ? comment poser l’opération ? pourquoi er comment faut-il annoncer par des mots, une phrase, ce que je fais à chaque étape puis le résultat obtenu ?
    Collège-Lycée : Informations diverses et faits remarquables dans un texte littéraire ou non littéraire : de quel personnage, de quel événement, de quelle époque et de quel mouvement de pensée s’agit-il ?)….
    Bon courage pour essayer de construire vos séquences sur la logique inductive, celle que suggère la suite de mes phrases interrogatives, car l’induction est plus proche finalement de la réflexion spontanée – j’ai envie d’écrire « naturelle » – que de la réflexion académique.

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