La littérature au service de la prévention pour ados

Critique litte?raire

Ah, une petite chronique littéraire, comme j’en attendais une depuis longtemps ! Une sur un roman jeunesse, comme j’en rêvais !… Ai-je pris un Risk ? Seulement, les choses ne se passent pas comme prévu. En ce qui concerne la lecture, tout roule : je me prends pour l’ado que j’ai toujours rêvé d’être. Je prends mon pied. Le bouquin me plait beaucoup. Cependant, quand arrive le moment d’écrire la chronique : gros blanc. Je tourne et retourne dans ma tête tout ce que j’ai lu, les réactions que j’ai eues, les émotions qui m’ont traversées ou qui se sont vraiment installées en moi à de nombreuses reprises. Il va donc me falloir passer du ressenti au factuel, en tout cas pour le résumé.

Alors, de quoi s’agit-il ?

Le roman s’intitule Risk. Il est publié chez New Way. Il est l’œuvre de Fleur Ferris, une Australienne qui a vécu dans son pays natal jusqu’à ses 17 ans. En quatrième de couverture, elle dit « avoir découvert la face sombre de l’humanité en travaillant dans la police. » Accrochez-vous. On ne va pas chez les Bisounours.

L’histoire : des jeunes se préparent à la rentrée scolaire, avec leurs petits et leurs gros soucis d’ados. Sierra est une belle et jolie lycéenne. Tout lui réussit : c’est toujours pour elle, les rendez-vous et les regards des garçons. « Mais jamais pour moi, se dit Taylor, sa meilleure amie depuis toujours. Sierra est espiègle, elle ne se soucie jamais des autres. »

Sierra est punie d’Internet par sa mère. Mais elle brave l’interdit chez son amie. Les deux filles se retrouvent à chatter sur Internet, comme deux jeunes filles modernes. Sur Mystery Chat, Sierra fait la rencontre inespérée et inattendue de son parfait alter-ego : Jacob Jones. Ils se découvrent tous deux des points communs inenvisageables dans la vraie vie. « C’est trop parfait », se dit Taylor, tandis que Sierra ne veut et ne peut rater cette belle occasion de rencontre. C’est ainsi qu’elle « empruntera » l’ordinateur du travail de sa sœur afin de poursuivre cette belle rencontre virtuelle. Taylor ne voulant pas lâcher les appels à conversation de ce fameux Jacob, poursuivra, elle aussi, pendant le reste du weekend puisque la conversation avait commencé sur son propre ordinateur.

De retour au lycée, les deux filles pensent avoir un scoop, chacune. Sierra, évidemment, dégaine la première et inonde ses ami(e)s de ses conversations. Taylor n’en revient pas et cela lui met la puce à l’oreille.

Sierra obtient facilement un rendez-vous avec ce parfait jeune homme. Elle se dit prudente puisqu’elle le rencontrera dans la galerie d’un grand centre commercial. Elle fait jurer à ses amies de ne rien dire à sa mère. Elle promet qu’elle rentrera le lendemain. Mais elle ne rentrera jamais.

Le pire s’est produit : Sierra a été tuée. Commence alors une longue et douloureuse enquête pour ces adolescents, avec saisie des ordinateurs et des téléphones, obligation de passer aux aveux.

A la mémoire de son amie, Taylor décide de créer un blog . Elle l’appelle Risk. Elle est aidée par un de ses professeurs et aussi par Callum, le beau jeune homme dont elle est amoureuse en secret. Pas facile, pour eux de mêler perte d’une amie et naissance d’une relation.

Taylor, qui est la narratrice, nous fait voir les événements par son prisme avec tout ce que cela implique : vision incomplète et biaisée de la situation. Découverte de l’impact des émotions des uns sur les autres, notion de culpabilité, expérience du deuil vécue de façon unique par chacun.

C’est tout ce traitement des émotions que j’ai particulièrement aimé dans ce roman. On pourrait croire qu’il est à l’eau de rose. Mais ce n’est pas le cas. On se laisse même submerger soi-même. On comprend comment font les prédateurs pour ne pas lâcher leurs victimes. Tout est dans l’instant, il ne faut pas rater son dernier message. Que va-t-il croire si je ne lui réponds pas ?

On voit et on vit toutes les émotions exacerbées de ces jeunes, pour qui la vie ne tourne qu’autour de cela, même si Taylor est vue comme une lycéenne sérieuse.

Thèmes abordés :

Internet, les réseaux sociaux, rencontres virtuelles, les faux profils, l’abus de naïveté, le réel, l’adresse IP, la simili-protection derrière un écran d’ordinateur, le trucage et montage de photos, photos réelles ou photomontages, le harcèlement virtuel et physique, l’insouciance et l’inconscience face à des cyber-prédateurs, le refus de certaines victimes d’accepter ce statut, la fragilité psychologique de jeunes personnes qui sont en recherche de relation fusionnelle.

citation Risk

Idées d’exploitation du roman :

Je pense que ce livre pourrait faire l’objet d’une lecture ou plus avec des collégiens car on ne tombe jamais dans le misérabilisme et je trouve toute cette histoire criante de vérité. N’oublions pas que Fleur Ferry a travaillé dans la police et que son histoire est inspirée de ses enquêtes. Nos élèves disent toujours : « ça ne m’arriverait pas, à moi ! » Et pourtant, quand un élève vous dit lors d’une action CESC de sensibilisation aux dangers d’Internet : « Ma sœur, une fois, elle m’a demandé combien je mesurais ? » Et une autre de dire « Je n’ai pas compris : l’autre fois, Claire, ma meilleure amie m’a demandé mon code Facebook… Ben oui, je lui ai donné !! Je me suis rendue compte après que quelqu’un d’autre s’était fait passer pour elle. Mais il était trop tard. »

Je ne vais pas faire la liste de tout ce qu’on pourrait travailler avec le nouveau socle. Car il y en a des choses ! Chacun fera selon ses centres d’intérêt, le profil des élèves qu’il a dans cette promotion-là. Sur l’ensemble des possibles, j’en choisis deux :

Dans le Domaine 1 : les langages pour penser et communiquer. Je pense que l’on pourrait travailler sur les émotions : comment fait-on ressentir des émotions à l’écrit ? Puis essayer par un écrit de susciter des émotions chez mon camarade, qui serait mon lecteur.

Dans le Domaine 2 : les méthodes et outils pour apprendre. Médias, démarches de recherche et de traitement de l’information.

Pourquoi ne pas jouer à se créer un autre profil et une autre personnalité qui puissent être crédibles ? À quel point cela est-il possible ? Puis-je bluffer mes camarades ?

Si je pouvais faire un vœu, ce serait celui que nos élèves commencent à prendre réellement conscience du recul énorme qu’il faut avoir vis-à-vis des médias. C’est un des plus gros enjeux de notre fonction d’éducateur actuellement. En plus de celui de chérir notre Terre. Mais ceci est un autre débat, ou une autre chronique.

Une chronique de Kristen

Pour aller plus loin : http://www.randomhouse.com.au/content/teachers/risk.pdf : ressources pour professeurs qui voudraient travailler sur le roman en version anglaise. Cela semble très intéressant et faisable pour des lycéens.

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