Début de séance. Une question est lancée : « M’dame, vous rendez les copies aujourd’hui ? » OUI. Une autre question du fond de la salle de Mélissa qui n’a pas écouté la question ou pas entendu la réponse ou qui a décidé de participer aujourd’hui en amusant la galerie et en détendant l’atmosphère dès le départ : « M’dame, vous avez corrigé nos évaluations ? » NON. Remarque pertinente de Kévin  qui a tout suivi, lui… « Mais comment vous pouvez rendre les copies si vous ne les avez pas corrigées ?!? » Silence. En effet, je les rends ces fameuses copies. Sans aucune trace de correction. Pas l’ombre d’une annotation. Chacun reçoit une copie dont il n’est ni l’auteur, ni le propriétaire. Le doute s’installe, des regards mi-inquiets, mi-amusés s’échangent. Elle débloque la prof, la fin de trimestre lui semble fatale. Mais non, le burn out n’est pas pour cette fois !

copie_de_autre

La démarche de la co-évaluation

Le principe est simple : faire évaluer son travail par un pair. Avec la copie, chacun reçoit une grille constituée de critères d’évaluation prédéfinis, clairs et précis. Ces critères peuvent aussi être déterminés ensemble en fonction des objectifs assignés à l’exercice. Construits collectivement, ils seront mieux compris de tous et chacun se les appropriera. Avec cette grille, on peut choisir de mettre des croix pour chaque critère (acquis, non acquis, en cours d’acquisition). On peut aussi préférer attribuer des points selon un barème défini, notation assortie ou pas de commentaires mettant en avant les aspects positifs et les manques et prodiguant des conseils pour progresser. Ça marche. Chacun se penche consciencieusement sur son labeur, complète avec sérieux la fiche. À l’occasion, quelques remarques fusent : « Finalement, c’est dur d’être prof et ça prend du temps de corriger des copies ! » (acquiescez dans ce cas en prenant un air résigné et abattu) ou « je ne peux pas lui mettre cette note m’dame, ça brisera notre amitié ! » (les amis ne sont-ils pas là pour nous rendre lucides…?).

Une fois le travail d’évaluation achevé, il est intéressant de leur faire confronter la grille complétée avec celle que vous aurez renseignée de votre côté (car oui, elles ont été corrigées ces fameuses copies, vous y avez passé 3 heures hier soir !) ; cela permet de voir si l’évaluation des deux est convergente ou non. Reste enfin une phase de mise en commun entre binômes. Chacun rend à l’autre sa copie et lui explique le pourquoi de la note, mettant en avant points forts et points faibles. Cette dernière étape est souvent l’occasion d’échanges riches et constructifs, animés et argumentés. Elle oblige à se pencher de nouveau sur son travail, d’en accepter le regard critique de l’Autre, de demander des explications, de se justifier.

Un exemple ici de grille pour co-éaluer une composition en Première

Un exemple là pour l’évaluation collective d’un exposé oral

Les vertus de l’exercice

Certes cet exercice n’est pas possible après chaque évaluation car il est chronophage. Mais il offre des avantages : chacun devient acteur, joue un rôle dans ce processus d’évaluation formative, y prend davantage de responsabilité. Il incite à verbaliser les objectifs, à s’interroger sur les capacités mises en œuvre et les connaissances à maitriser. Évaluer l’autre permet d’être plus lucide sur son propre cas. Expliquer suppose d’avoir compris et de vérifier du coup sa compréhension. C’est un moyen détourné de s’approprier des contenus et des compétences, d’écouter les remarques de ses pairs, d’argumenter pour expliquer, donc de progresser. Cet exercice offre l’opportunité de faire bouger le regard que l’on porte à ses pairs, sans remarques acerbes et dans le respect de l’Autre ; pas de « elle est nulle cette copie », ou « t’as écrit n’importe quoi », puisque dès le départ on demande un regard objectif et justifié donnant des points à améliorer et des point forts.

Du primaire au lycée, dans toutes les disciplines ou en atelier de remédiation

Le travail peut être mené également en groupe et il a ses vertus : chaque groupe constitué de quatre élèves reçoit quatre copies qui ne sont pas les leurs ; s’engagent alors des discussions sur le point ou pas à attribuer sur tel critère, des vérifications dans le cahier ou le manuel en cas de doute sur une notion, des justifications à formuler pour expliquer et défendre son point de vue. L’enseignant est parfois interpelé pour trancher. Cette co-évaluation collective est aisée à mener par ailleurs lors d’un exposé oral ; les critères prédéfinis ou déterminés collectivement sont projetés au tableau et servent à évaluer la prestation du ou des orateurs.

Une chronique d’Agnès

10 réponses

  1. Cela fait plaisir de voir une chronique sur le sujet de l’évaluation où la chroniqueuse ne se fait pas descendre en flèche comme j’ai pu le vivre il y a quelques mois http://www.lepetitjournaldesprofs.com/auto-evaluation/
    Au moins, les gens qui ont réagi à ta chronique, Agnès, ont eu pour souhait d’être constructifs. Pour ma part, j’avais décidé d’arrêter de parler sur le sujet. Mais certains ont le courage de continuer et c’est tant mieux.
    Je suis enseignante en collège, en anglais, j’ai souvent un assistant (élève qui a terminé plus rapidement que les autres et qui « m’aide » à la correction individuelle). Mais le problème c’est que beaucoup sont volontaires pour cette démarche, mais ils laissent souvent des erreurs qui vont gêner dans les apprentissages. Ou ils croient qu’ils ont quelquechose à corriger et corrigent mal.
    Le débat reste entier. Mais il est intéressant … tant qu’il reste constructif ! 🙂

    1. Oui, ça fonctionne si l’activité est ponctuelle, cadrée, si les critères sont précis et clairs pour tous ; et elle ne dispense pas l’adulte de passer derrière ou d’avoir visé le travail avant.

  2. Merci Agnès pour ce travail qui a effectivement dû vous demander un temps certain de préparation. Pour ma part, enseignant l’Histoire-Géo dans un collège REP+, j’ai déjà tenté ce genre d’expérience mais j’y ai renoncé, d’une part parce que c’est très chronophage effectivement, d’autre part parce que les élèves avaient du mal à sortir de l’équation « c’est mon copain = bonne note ou c’est pas mon copain= sale note », mais peut-être aurais-je dû persévérer ?
    Par contre, je fais souvent en commun la recherche des critères de notation d’un travail de groupe, exposé par ex, et je trouve le résultat nettement meilleur !

    1. De rien … 😉 Pour le problème de manque d’objectivité à noter son copain, il y a la solution de bonus pour le correcteur consciencieux (moins de 2 points de décalage par rapport au résultat trouvé par l’enseignant) ou de malus pour le non objectif (si + de 2 points de décalage non justifiés et argumentés = malus). A intégrer au préalable dans la grille des critères d’évaluation et de correction du coup. Un peu plus compliqué mais ça marche …

    1. De rien … 😉 Si vous avez des pistes pour les améliorer ou d’autres idées, n’hésitez pas ! Il est intéressant aussi dans cette optique cet espace de partage qui nous est offert ici.

  3. Dans mon commentaire, il manque 2 phrases importantes .
    Pourquoi?
    Qui les a supprimés?
    Cela fait 2 fois que cela m’arrive et je n’apprécie pas du tout.
    Surtout, je ne comprends pas pourquoi.
    Pouvez-vous m’expliquer?

    Jacque.

    1. A priori, la disparition de vos phrases est due aux caractères qui encadrent vos citations. Ces caractères (des guillemets ?) sont mal interprétés par le système et tout ce qui se trouve entre est supprimé.

  4. Bonjour Agnès et Bonne Année!

    Je trouve cette technique excellente.
    Il y a quelques années… en classe de seconde, mon prof de français utilisait cette technique. Il échangeait les copies des élèves et nous devions marquer dans la marge des remarques sur les fautes d’orthographe, les incorrections les impropriétés etc.
    Son système était super efficace, car il avait ajouté un élément:
    Il écrivait: <>
    Note: 14/ 20 orthographe: moins 2.
    Note définitive 12 sur 20

    En classe de seconde, je me débrouillais assez bien en français, mais je n’admettais pas de perdre 2 points à cause des fautes d’orthographe. ( l’ortograf c la siense des annes )

    Le prof avait raison, mais têtu comme une tête de mule, ( je n’ai pas changé ) je n’acceptais pas qu’il ait raison.
    Comment faire pour rattraper ces 2 points perdus stupidement?
    Relire attentivement mon texte ? Bof… c’est fatigant. J’ai pas envie. C’est un sadique ce prof…
    J’étais interne. J’avais un camarade de classe qui était médaille d’or en orthographe.
    Il connaissait par cœur toutes les règles du Bled.
    Je lui demandais très, très gentiment:
    <>
    <>

    Echange de bons procédés. Le S. E.L avant l’heure. Nous étions des précurseurs. Des génies méconnus.

    Le prof de français était content. Moins de fautes à corriger. Moins de temps à perdre, et moi je retrouvais mes points perdus.

    Lire 35 copies en français, et marquer quelques commentaires pour que l’élève progresse, c’est l’horreur
    et souvent cela ne sert à rien. <>
    Que diable suis-je venu faire dans cette galère?
    Dans une prochaine vie, je serai prof de maths.
    C’est juste : 1 point c’est faux : 0 . Pas de sentiments, pas d’états d’âme. Une dichotomie efficace. C’est comme pour les ordinateurs ou pour la lumière ou c’est allumé ou c’est éteint.
    Cool Raoul Relax Max. Prof de maths, la belle vie!
    Prof de français avec 35 élèves, faut être maso.

    Bonne journée, les profs.

    Et encore merci à Agnès.

    jacques san.
    P.S Si vous trouvez des fautes, soyez gentils de ne pas m’enlever des points…

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