Cette année, j’ai récupéré une classe de lycée évaluée par compétences.
Dans un monde où les chiffres servent de repères, on en parle de plus en plus, et j’ai dû m’approprier cette nouvelle façon d’évaluer sans mettre de note chiffrée. Bon, ce n’est pas difficile car en sciences, on évalue depuis longtemps des méthodes et des savoir-faire sans passer par la sacro-sainte valeur chiffrée, parfois jugée dévalorisante. L’idée générale est donc de ne plus donner à l’élève de note chiffrée, mais d’apprécier la maîtrise de son travail ou des tâches qu’il réalise.

J’ai trouvé la définition suivante de ce terme « compétence » qui s’applique aux élèves en situation d’apprentissage :
« Quelqu’un est compétent quand, placé dans des situations qui impliquent de résoudre un certain type de problèmes ou d’effectuer un certain type de tâches complexes, il est capable de mobiliser efficacement les ressources pertinentes pour les résoudre ou les effectuer, en cohérence avec une certaine vision de la qualité. »

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Évaluer une compétence nécessite donc de prendre en compte simultanément des connaissances (savoir), des aptitudes (mettre en œuvre) et des attitudes (se comporter face au travail demandé). C’est une évaluation globale d’actions permettant de réaliser une tâche plus ou moins complexe, et de ce fait, une simple note est peu représentative de sa maîtrise.

L’évaluation par compétences permet donc à un élève de savoir à tout moment ce qu’il a acquis et ce qu’il maitrise moins ou pas du tout. Si on associe aux différentes capacités évaluées un lien vers un corrigé, une fiche technique ou des ressources, il a alors la possibilité de retravailler ses points faibles, voir de se préparer en amont. Un « 10/20 » agrémenté du commentaire « connaissances moyennes » sur une copie n’apporte pas cet éclairage et ne permet pas cette remédiation ; d’autant plus que dans ce cas, l’élève regarde la note mais prend assez peu en compte le commentaire pour des évaluations ultérieures. Et que dire d’un 5/20 qui est plutôt vécu comme une sanction que comme une incitation à progresser ?

La mise en œuvre est moins aisée que d’appliquer un barème, car il faut répertorier les compétences évaluées et les répartir sur l’année en veillant à graduer la difficulté : ainsi, si on évalue la capacité à « restituer des connaissances », le mode de restitution doit apparaître dans l’évaluation, puisque la difficulté n’est pas la même selon qu’on les restitue sous forme d’un QCM ou d’un texte structuré : des élèves peuvent être capables de cocher une réponse juste alors qu’ils éprouvent des difficultés à rédiger une explication, ce qui revient dans ce cas à évaluer des compétences plus liées au français et à l’expression écrite que des compétences scientifiques. Dans un Q.C.M, à l’opposé, une part non-négligeable de réponses justes peut être due au hasard, et ne refléter que partiellement le niveau de maîtrise de l’élève.

Il faut aussi que l’élève connaisse les critères précis que l’on évalue : ainsi, il est peu utile de lui demander de réaliser un dessin d’observation sans lister d’entrée de jeu les critères que l’on va prendre en compte pour l’évaluer. Par exemple, lorsque j’ai demandé à des élèves de seconde de réaliser un dessin d’observation microscopique, je leur ai fournis en même temps une grille répertoriant les critères sur lesquels j’avais l’intention de m’appuyer pour les évaluer, une grille telle que celle-là :

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Il est, je pense, essentiel que l’élève sache « à quelle sauce il est mangé ».
Alors, voilà un exemple de bulletin obtenu à mi-trimestre pour évaluer la classe, chaque élève ayant son propre profil sur lequel il peut s’appuyer pour évoluer, corriger les compétences peu ou pas maîtrisées. On peut de ce fait penser que ce mode d’évaluation rend l’élève plus conscient de ses lacunes et de la façon d’y remédier, à condition d’accompagner l’évaluation de fiches méthodes plus que de corrigés, tels que ceux qui sont faits lorsque l’évaluation est notée.

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L’évaluation par compétences permet donc d’estimer les acquisitions sur la durée : elle donne à l’élève le droit à l’erreur, elle valorise une remédiation réussie, tout en remettant aussi en question les acquis (rien n’est figé !). C’est différent d’un principe de validation d’acquis où l’on ne revient pas sur ce qui est traité.
Doit-on penser que les sacro-saintes valeurs chiffrées disparaissent de nos méthodes d’évaluation ? Un compromis existe en terminale où l’épreuve de SVT est évaluée par curseur, c’est-à-dire un intervalle de notation correspondant à la maîtrise plus ou moins réussie des capacités testées. Exemple pour l’exercice de restitution des connaissances :

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Une chronique d’Eric

3 réponses

  1. Bonjour,

    Je suis pour mais…

    1. C’est très très très long à faire (à multiplier par le nombre d’élèves à évaluer), et nos journées, soirées, week-ends ne sont pas extensibles à l’infini.
    2. Cela suppose que l’élève, conscient des difficultés rencontrées, soit dans une démarche autonome de remédiation. C’est sans doute possible à 16 ans. Je n’y crois pas une seule seconde au collège SAUF si on peut mettre en place un accompagnement très personnalisé (individualisé en fait) pour travailler spécifiquement les compétences en déshérence. Aucun élève en difficulté au collège ne le fera tout seul.
    3. L’évaluation par compétences, si elle est intellectuellement très satisfaisante (bien plus que la note qui amalgame tout et n’importe quoi : connaissances, méthodes, compréhension de la consigne, capacités rédactionnelles etc.), conduit (contraint ?) à une segmentation toujours plus fine des items à évaluer, jusqu’à l’absurde (par exemple, qu’est-ce qu’une rédaction maladroite : orthographe, syntaxe, vocabulaire… ? Il y a un aspect « fractal » dans ce type d’évaluation !). Et cette segmentation éloigne en fait peu à peu de la réalité des tâches à accomplir : la réussite de la tâche complexe passe par la mise-en-oeuvre simultanée d’une quantité invraisemblable de compétences et de pré-requis.

    Vouloir évaluer chaque élément séparément c’est vouloir que l’élève soit conscient de tout ce qu’il doit mobiliser à la fois pour réussir. Cela peut devenir vertigineux et rapidement contre-productif.
    En effet, la maîtrise d’une tâche – intellectuelle ou manuelle – est acquise lorsqu’on peut l’accomplir de façon « réflexe ». La poésie est bien récitée lorsqu’on l’a intériorisée et qu’on n’a plus besoin de repenser à chaque rime, à chaque virgule, à chaque intonation. La compréhension de la mondialisation (4e) ne sera pas réellement possible tant que l’élève devra vérifier dans un atlas les noms des continents ou réfléchir aux directions cardinales. Aucune manipulation de données (4e/3e) ne sera efficace tant qu’il aura besoin de vérifier sur ses doigts ses tables de multiplication…

    Et finalement, la note – aussi « idiote » soit-elle dans ses amalgames – évalue cette compétence fondamentale : pouvoir justement faire l’amalgame rapide d’un grand nombre de capacités pour traiter une question complexe qui nécessite pour la traiter des connaissances précises, de la méthode et des qualités rédactionnelles.

    On a tous sans doute fait cette expérience désagréable : on réalise une grille d’évaluation en fonction des compétences requises. Pour tel élève, tout est dans le « vert ». Et pourtant, en vue d’ensemble, le travail n’est pas terrible voire, paradoxalement, mauvais !

    On dira que la grille n’était pas « bonne ». Certainement. Mais c’est aussi un défaut consubstantiel de l’évaluation par compétences que de vouloir isoler les items, de les évaluer séparément, en oubliant le liant, ce qui fait la cohérence de la pensée complexe et donc de la réponse à apporter à une question complexe. « La somme des parties n’est pas égale au tout » dit-on communément. Un professeur de philosophie gastronome, il y a longtemps, nous faisait comprendre cela en nous rappelant que manger des carottes, puis des navets, puis des poireaux puis de la viande bouillie ne nous donnerait jamais à savourer le goût du pot-au-feu.

    Il me semble qu’il y a une situation analogue avec l’évaluation par compétence. Je la crois très opérationnelle dans l’optique d’une remédiation thématique et, uniquement, si on dispose des moyens humains pour réaliser cette remédiation. Dans le cas contraire, on rajoute de la détresse : je ne sais pas faire ça, mais je ne vois pas du tout comment je vais parvenir à savoir le faire ! (exemple des tables de multiplication non maîtrisées en 3e !)

    Une fois de plus, cette démarche très intellectuelle profite aux meilleurs élèves, aux plus intégrés, à ceux que le langage de ce type d’évaluation, la multiplication des consignes et des fiches ne rebuteront pas (toujours dans l’hypothèse, crédible dans le cadre contraint des moyens de l’école et du collège, d’une absence d’accompagnement réellement individualisé).

    Conclusion : oui à une évaluation par compétences, mais alors collectivement réfléchie, maîtrisée, limitée et surtout accompagnée des moyens humains pour remédier efficacement aux problèmes qu’elle révèle. Sinon, la note, malgré ses tares congénitales, reste sans doute le moins mauvais des systèmes…

    Bonne journée.

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