Le gamin n’a pas souvent l’occasion de briller. Il est d’ailleurs le plus souvent à côté de la plaque et je redoute, à chacune de ses interventions, le flop. Ca fait souvent « flop », et il ouvre alors la bouche et me regarde sans vraiment comprendre. Des fois, il dit « ah ouais ! » comme s’il avait compris, ce qui n’est pas le cas à chaque fois.

Bref, c’est loin d’être une star. Pourtant il travaille, sa mère me le disait encore en début d’année : « Pourtant il travaille ». Mais ce sont des coups d’épée dans l’eau, et ça me fait de la peine parce que je sais qu’il les apprend, ses tables de multiplication. Pourtant, il ne les connaît pas. Il compte sur ses doigts qu’il cache sous la table, parce qu’on est au CM2. « Bois » et « tronc » sont de la même famille, de même que « vaisselle » et « WC ».

medaille_champion

Au retour de la Toussaint, il me demande s’il peut montrer aux copains une grosse médaille qui dépasse de son casier. Les occasions sont si rares ! Je lui propose un show vers 15h40, avant la fin de la classe, ainsi ses camarades quitteront la classe avec l’image d’un champion : celui qui a reçu une médaille et l’a montrée à toute la classe.

Toutes les journées sont longues pour cet enfant et celle-ci en particulier. Je le vois parfois lorgner sous la table : ce ne sont pas que les doigts qui comptent, c’est aussi la médaille, celle qu’il s’apprête à montrer à ses pairs.

Et puis la journée passe, 15h40, je n’y pense plus, lui ne pense plus qu’à ça : « Maître, je peux leur montrer ? ». Je le fais venir au tableau pour qu’il nous explique : « Ben en fait pendant les vacances j’ai fait un tournoi de foot, et en fait ben j’ai gagné une médaille ». Je chauffe la salle, nous félicitons notre winner. Et puis la question qui tue, celle à laquelle je n’avais même pas pensée, vient d’une bouche innocente et bien intentionnée : « Et t’as gagné beaucoup de matchs ? »

Tiens c’est vrai, il en gagné combien ? C’est la médaille du vainqueur ou celui du finaliste ? Notre petit copain serait-il seulement l’éternel second, le Poulidor de la classe ?

« Ah non », répond l’artiste. Et sans gêne, comme si cela n’avait rien de surprenant et surtout pas pour lui-même, il explique : « la médaille on l’a eue parce qu’on a perdu tous nos matchs. Alors on a quand même eu une médaille. »

Bon. Notre champion s’est transformé en loser. Un peu embarrassé, je le félicite « quand même » et le champion reprend sa place. Quelques élèves lui demandent s’ils peuvent regarder la médaille d’un peu plus près, mais la grande majorité s’est déjà dirigée vers la porte de la classe.

2 réponses

  1. Bonjour Papa Lion,
    Belle chronique qui nous aide à réfléchir et à prendre en considération les enfants qui sont
     » à côté de la plaque »
    A l’école, j’ai toujours été à côté de la plaque. Le distrait, le rêveur. Celui qui pose des questions stupides ou inutiles;
    Je n’ai pas changé et je n’en n’ai pas envie.
    Ce rôle de « ravi  » me plaît beaucoup.
    Je passe pour un neu-neu, mais je m’en moque.
    J’ai toujours eu beaucoup de sympathie pour mes élèves qui vivaient sur une autre planète.
    Ce sont des rêveurs, des artistes, des poètes qui nous font oublier, un moment les horreurs des gens sérieux. Trop sérieux et qui n’ont pas le sens de l’humour.
    Trop d’adultes ont oublié leur âme d’enfant et c’est dommage pour eux et pour les autres.

    A bientôt Papa Lion et encore Merci.

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