Cette rubrique relate un événement vécu dans une classe et en famille, et propose quelques pistes de réflexion et/ou d’action afin de mieux gérer la situation. Bien entendu, ces propositions doivent être contextualisées. En effet, aucune pratique ne peut se concevoir comme un copié collé !

Diktat

Candice, 12 ans, passe le week-end chez son papa. Ensemble, ils préfèrent profiter pleinement de ces deux jours par semaine plutôt que de s’énerver sur des travaux scolaires… Le dimanche soir, la maman « récupère » Candice et constate que la dictée du lundi n’a pas été préparée. Le premier réflexe de la maman est de le signaler vertement par texto au papa de Candice. Puis, commence le long combat pour faire « avaler » le texte de dictée à notre écolière du dimanche soir. D’ailleurs, celle-ci vit les choses dans un bon état d’esprit, au départ. Le premier essai révèle de très nombreuses erreurs d’orthographe. La maman s’indigne : « Comment peut-on encore oublier les majuscules à ton âge ! Et les accords sujet/verbe… Et les accords du participe passé… Tu n’iras pas te coucher aussi longtemps que tu n’écris pas ce texte sans faute ! Candice, docile, travaillera encore ce texte pendant près de deux heures avant d’aller se coucher.

Le lundi matin, l’enseignante dicte le texte et Candice, encore imprégnée des recommandations de la veille, s’applique. Elle se souvient de faire attention à l’accord du sujet et du verbe. D’ailleurs, c’est avec conviction qu’elle pratique des accords machinalement dans la phrase : « Ils se sont rarements engagés… », écrit-elle. Peut-être, que dans sa tête « se sont rarement engagés » c’est tout cela le verbe. Ou bien puisque « rarement » se termine par « ent », cela doit être un verbe également. Et pourquoi ne pas y mettre un « s » puisque tout doit s’accorder avec le sujet « ils »… C’est bien ce que maman a dit ou bien, c’est que la soupe de conseils de la veille brouille sa mémoire ! Il est à noter que seul le « s » est une erreur dans la copie de Candice dans cet extrait. Les quatre autres mots sont orthographiés correctement ! Mais, malheureusement, la logique de correction prévoit de s’attarder aux erreurs plutôt qu’aux mots orthographiés correctement !

Le jeudi matin, Candice reçoit sa copie corrigée… 0/10 ! L’enseignante en distribuant la copie lui balance d’un ton ironique « cela se voit que tu étais chez papa ! ». Vous imaginez aisément les réactions de la maman quand elle apprend que Candice a obtenu un zéro en dictée…

Comment Candice vit-elle tout cela ? D’abord, comment ne pas se sentir responsable des querelles entre papa et maman à travers cette dictée ? Ne sera-t-elle pas en proie à une vive anxiété lors de la prochaine préparation de dictée ? Ensuite, l’image d’elle-même se trouve diminuée : « je suis nulle en dictée, aussi »! De plus, on peut se poser la question suivante : qu’a-t-elle appris réellement ?
Que dire de la dictée en elle-même ? Souvent les publicités et les films, quand ils font référence à l’école, montrent des élèves subissant une dictée… Le cliché ! On pourrait se demander si cela n’apporte pas un peu plus de poids à la pression sociale mise sur cette pratique pédagogique. N’y aurait-il pas une confusion entre savoir orthographier et savoir écrire ? Si savoir- écrire, c’est avoir d’abord une intention de communication, puis organiser ce qu’on a à dire et retravailler le texte en vue de l’éditer, en quoi la dictée (de contrôle) est-elle porteuse dans l’apprentissage du savoir-écrire ? Comme l’écrit Angoujard dans « Savoir orthographier », la dictée dans sa visée évaluative constitue un instrument à la fois atypique et peu fiable.

Comment aider Candice à mieux vivre ces moments ? D’un côté, renvoyer l’apprentissage scolaire aux familles peut générer des conflits. Est-ce la famille qui doit jouer le rôle de l’enseignant ? D’autre part, si l’enseignante tient à garder la dictée dans son dispositif pédagogique, ne peut-elle pas en faire uniquement un moment d’apprentissage de l’orthographe uniquement pendant le temps scolaire ? Dans ce cas, elle permettrait peut-être d’aider les élèves à renforcer leurs compétences de production orthographique. On passerait alors d’une logique d’évaluation à une logique d’apprentissage…

Vincent
Conseiller pédagogique

5 réponses

  1. « N’y aurait-il pas une confusion entre savoir orthographier et savoir écrire ? Si savoir- écrire, c’est avoir d’abord une intention de communication, puis organiser ce qu’on a à dire et retravailler le texte en vue de l’éditer, en quoi la dictée (de contrôle) est-elle porteuse dans l’apprentissage du savoir-écrire? »

    Qui parle ici de « confusion », à part vous?
    Il me paraît clair que la pratique de la dictée aide à « savoir orthographier », que celle de l’expression écrite aide à « savoir écrire ».
    Il s’agit de deux pratiques différentes qui visent un même but: s’exprimer à l’écrit de manière crédible.

  2. « Ensemble, [Candice et son papa] préfèrent profiter pleinement de ces deux jours par semaine plutôt que de s’énerver sur des travaux scolaires. » Tout est dit dès les premières lignes : faire travailler son enfant pour l’aider à profiter au mieux de l’école, l’aider à grandir, à progresser dans sa connaissance du monde et à maîtriser sa langue à l’écrit ne serait donc pas le rôle d’un parent normal. Est-ce la faute de la mère, de l’institutrice ou de la dictée, si le père est irresponsable ou démissionnaire ?
    Dans le même ordre d’idée, la phrase « renvoyer l’apprentissage scolaire aux familles peut générer des conflits », phrase rappelant fortement le discours des dirigeants de la FCPE, me pose problème. La vie de famille et l’éducation donnée par les parents peuvent-elle raisonnablement se résumer uniquement à « profiter pleinement », comme le fait le père mentionné précédemment ? Cela ressemble beaucoup à une vision consumériste de la vie et de la famille, où tout ce qui est difficile ou compliqué ne serait perçu que comme une charge insupportable. Donner le goût de l’effort à un enfant dans un tel cadre sera bien difficile. On retrouve là la pédagogie américaine, où peu d’efforts sont demandés et où la notation va de 70 % à 100 % de réussite. Avec la brillante réussite en termes de conscience citoyenne que l’on a pu voir lors des guerres en Irak, des débats sur l’environnement ou sur les extrémismes de toute sorte, par exemple.
    Enfin, sur la forme, cet article reprend une méthode chère à nombre de « pédagogistes », qui utilisent l’affectif et l’anecdotique pour tenter de convaincre. Alors même qu’un enseignant devrait baser son raisonnement sur des faits et une argumentation rationnels. C’est d’ailleurs un vrai problème posé par l’article : ses a priori anti-devoirs et anti-dictée l’empêchent finalement de suivre un vrai cheminement et une vraie analyse du sujet évoqué en titre.

  3. Se pose-t-on toutes ces questions lorsqu’il s’agit d’un entraînement/entrainement sportif ? Combien de morts par arrêt cardiaque sur le terrain ? Combien de frères et sœurs sacrifiés pour la réussite d’un champion ?

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